Deux mesures de libéralisation sont cependant bienvenues : c'est, dans le commerce automobile, la possibilité accordée aux concessionnaires de s'approvisionner en pièces de rechange ailleurs qu'auprès des seuls constructeurs. C'est aussi la décision de supprimer les limitations imposées aux concessionnaires Fichet Bauche (ils avaient l'interdiction de réparer les serrures de marques concurrentes).

Une concentration accentuée

Si l'on semble avoir abandonné le projet de réforme de la loi d'orientation du commerce et de l'artisanat, qui contrôle sévèrement la création de nouvelles grandes surfaces dans chaque département, on s'efforce d'assainir la concurrence. Attendue depuis longtemps, une circulaire sur la « transparence tarifaire » paraît enfin en mai. Elle définit une règle du jeu dans les rapports entre fabricants et distributeurs, de manière à éliminer les pratiques discriminatoires (avantages, tarifs spéciaux).

Cette mesure jouera-t-elle un rôle de garde-fou pour limiter la montée en puissance du grand commerce ? Depuis plusieurs années, on observe un mouvement de concentration qui va en s'accélérant. En 1984, le Printemps prend le contrôle de la chaîne Disco, les Trois Suisses deviennent majoritaires au sein de la société La Blanche Porte, les hypermarchés Radar passent dans le groupe Cora, Rallye absorbe les magasins du groupe Suignard et s'associe avec une chaîne américaine, Athlete's Foot, Codec Una prend le contrôle de la Sogar...

Les grandes manœuvres de la distribution se jouent également au niveau des centrales d'achat. De rapprochements en regroupements, trois « mégaclubs d'achat » sont créés réunissant au total plus de 30 enseignes. Confrontés à des partenaires qui pèsent de plus en plus lourd par leur volume d'achat, les fabricants manifestent leur inquiétude.

Implantations à l'étranger

Certaines enseignes connaissent, il est vrai, des difficultés, et notamment Félix Potin, dont la branche distribution passe sous le contrôle d'investisseurs marocains. D'autres mettent en œuvre de sévères plans de redressement, et, surtout, développent leurs implantations à l'étranger, où certains connaissent des résultats spectaculaires. Particulièrement aux États-Unis, où Casino prend le contrôle d'une chaîne de magasins et où Leclerc se dote d'une filiale pétrolière. Pendant qu'Euromarché ouvre, en octobre, le premier « hyper à la française » à Cincinnati, Carrefour reçoit l'Oscar du « meilleur groupe d'hypermarchés au monde » décerné par le Food Marketing Institute.

On comprend que le gouvernement, qui se félicite de cette promotion à l'exportation par la voix d'Édith Cresson, répugne à briser ce dynamisme par l'application stricte d'une réglementation trop dirigiste.

Exemple parlant de cet assouplissement, le cas de la franchise. Cette forme d'association entre une « marque » et des magasins à son enseigne connaît en France un développement sans précédent. Avec plus de 20 000 franchisés qui réalisent un chiffre d'affaires de l'ordre de 60 milliards de F, notre pays est le leader de ce système en Europe. Devant cette floraison, les pouvoirs publics avaient songé à élaborer un texte de loi en la matière. Conclusion du groupe de travail créé par le ministère : « L'aspect évolutif et dynamique de la franchise s'accommoderait mal du cadre rigide, voire sclérosant, d'une réglementation spécifique. »

Les magasins d'usine

Encouragée par cette sorte de feu vert accordé à la libre entreprise, la distribution fait feu de tout bois pour imaginer de nouvelles formules, adaptées à une société en mouvement. Solderies et spécialistes de la braderie connaissent un succès croissant, de même que les premiers « magasins d'usine » qui commencent à se multiplier : ils écoulent à des prix défiant toute concurrence des articles de fin de séries, des seconds choix ou des invendus. Certains distributeurs se découvrent même une vocation de solidarité avec les familles les plus démunies... sans oublier de le faire largement savoir : les magasins Coop de Lorraine offrent des remises exceptionnelles aux chefs de famille sans emploi pour acheter les fournitures de la rentrée scolaire, et, de son côté, Édouard Leclerc propose des repas gratuits aux « nouveaux pauvres ».