Le même phénomène s'est produit dans l'hôtellerie : les palaces résistent bien, tandis que les catégories moyennes éprouvent des difficultés. Ce sont les modes d'hébergement les moins onéreux qui recueillent la faveur des vacanciers : gîtes et villages de vacances notamment, qui ont connu un taux d'occupation de 92 % ; les campings ont été relativement délaissés en raison du temps maussade.

Optimisme tout de même

Le problème majeur demeure celui du contrôle des prix. Le nouveau ministre, Michel Crépeau, saura-t-il plaider le dossier ? il a, en tout cas, exprimé son intention de faire passer l'industrie touristique « de l'ère de la cueillette à l'ère industrielle » ? D'autres éléments sont de nature à redonner un certain dynamisme à ce secteur : des mesures gouvernementales comme la diminution du taux de TVA, qui est passé de 18,6 % à 7 %, ou les nouveaux prêts désormais accordés aux résidences hôtelières. Mais aussi des progrès techniques, comme l'installation du système informatique Esterel, qui permet désormais d'effectuer automatiquement les réservations auprès d'Air France, UTA, Air Inter et de la SNCF. Au total, malgré certaines difficultés de parcours, l'avenir de l'industrie touristique apparaît aujourd'hui raisonnablement dégagé.

Béatrice D'Erceville et Sophie Renaudin

Transports

Trafic en baisse

Le lundi 13 février 1984, une barrière se ferma devant la calandre d'un poids lourd. C'était à l'entrée du tunnel sous le Mont-Blanc qui conduit en Italie ; les douaniers de Chamonix se mettaient en grève, fatigués de réclamer en vain un local chauffé supplémentaire — à 1 300 mètres d'altitude, l'hiver, le fond de l'air est frais... Derrière le premier camion stoppa un deuxième, et des dizaines d'autres montaient encore de la vallée.

Ainsi allait démarrer le grand mouvement de colère des routiers. Il devait marquer l'année 1984 D'abord, parce qu'il mettait en branle durablement un secteur prépondérant des transports terrestres : la route, en 1983, ayant véhiculé 80 milliards de tonnes-kilomètres, contre 58 par le rail et 10 par l'eau. Mais cet événement allait également être le premier à mettre en évidence les limites et les contradictions de l'ambitieuse politique des transports élaborée depuis trois ans par le ministre Charles Fiterman et qu'il entendait bien poursuivre en pleine période de vaches maigres.

Trafic coupé

Le 16 février, on comptait environ 2 000 camions immobilisés au Mont-Blanc ou au tunnel du Fréjus, en Maurienne. L'arrêt de travail des douaniers français se corsait d'une grève des heures supplémentaires chez leurs collègues italiens, et le tout se jouait sur fond de tempête de neige et de froid intense. Gelés de la sorte, aux deux sens du terme, les routiers prirent un coup de sang. Dans la fumée des bivouacs autour des feux de vieux pneux, les rancœurs accumulées depuis longtemps par les stupidités bureaucratiques au passage de la frontière italienne, par les contrôles de plus en plus rigoureux des conditions de travail sur les routes françaises, par la rigidité de la réglementation sur les horaires, par l'alourdissement du poids des charges financières et de la fiscalité, tout cela explosa brusquement. Ces routes sur lesquelles on était soi-même piégé dans de détestables conditions et sans que les autorités s'en émussent beaucoup, on décida donc de les verrouiller pour tout le monde. Tandis que, partout en France et principalement sur les grands axes vers les Alpes, les camionneurs multipliaient les bouchons par solidarité avec leurs camarades du « front », des vacanciers par milliers tombaient dans la nasse mécanique des 13 départements alpins. Le 17, on en dénombrait, par exemple, 3 000 bloqués au fond de la vallée de la Maurienne. Plan Orsec sur la Savoie, gendarmes et moyens mécaniques dépêchés vers les principaux barrages. Mais la première image télévisée d'un poids lourd enlevé de force du milieu de la chaussée mobilisa la profession de plus belle. Le 21, 120 bouchons et ralentissements provoqués agrémentaient la circulation dans 57 départements...