Au-delà de ces constats optimistes, l'évolution structurelle de l'économie apparaît beaucoup plus ambiguë. La politique libérale semble avoir accéléré la concentration des grandes entreprises et le pouvoir des trusts, qu'il était question de juguler dans les années 70.

La vague d'investissements actuelle n'annule pas la tendance, déjà décennale, à promouvoir de petites unités ou à favoriser la sous-traitance. Le grand patronat cherche ainsi à échapper à la taxation et à abaisser les coûts salariaux. En Inde, seules les grandes entreprises sont effectivement contrôlées et fortement imposées. Seuls aussi les travailleurs des grandes unités bénéficient d'un statut légal qui protège leur emploi et assure des avantages sociaux.

La pauvreté des masses et le chômage, qui subsistent malgré la croissance, font planer des doutes quant au succès des stratégies industrielles. L'insolvabilité de la majorité de la population bloque toujours les perspectives d'extension du marché. Et on peut craindre que les efforts pour accroître l'investissement soient de plus en plus mis en cause par de coûteuses politiques d'assistance aux chômeurs.

Gérard Heuzé

Indochine

La recherche de la paix

Neuf ans après la fin de la guerre du Viêt-nam, la crise cambodgienne continue de peser sur le destin de l'Indochine. En dépit de ses efforts pour sortir du guêpier khmer, le Viêt-nam, qui maintient au Cambodge 160 000 soldats, paraît plus que jamais menacé d'enlisement.

Lourd handicap

Malgré cette charge, son économie vient d'atteindre l'autosuffisance alimentaire. Mais la dette extérieure ne fait que croître, et la reprise de l'aide occidentale reste subordonnée à la fin de l'intervention militaire au Cambodge, un pays pour lequel l'URSS dépense chaque année 100 millions de dollars.

Encouragés par l'appel des pays de l'ASEAN en faveur du retrait graduel de leurs troupes du Cambodge, les Vietnamiens présentent un plan de règlement du conflit, le 29 janvier. Ils proposent l'instauration, de part et d'autre de la frontière khméro-thaïlandaise, d'une zone de sécurité sous contrôle international, ainsi que des discussions avec la Chine pour le retrait vietnamien du Cambodge, parallèlement à la cessation du soutien chinois aux résistants khmers.

Au cours de la tournée d'explication qu'il effectue en Indonésie et en Australie, le ministre vietnamien des Affaires étrangères, Nguyen Co Thach, précise même que son gouvernement est prêt à discuter directement de la question cambodgienne sans la faire dépendre d'un règlement global en Asie du Sud-Est. Espoir de détente qui pourtant va, bien vite, s'estomper dans le fracas des armes.

Combats furieux

Depuis le début de l'année, les Khmers rouges (35 000 maquisards), principale composante de la résistance au gouvernement provietnamien de Phnom Penh, multiplient les actions militaires. Sévèrement étrillés l'an passé, ils ont reçu une aide de la Chine et harcèlent les troupes vietnamiennes. Du 19 janvier au 7 février, quatre capitales provinciales — parmi lesquelles Siem Reap, QG vietnamien pour le Cambodge occidental, Battambang, deuxième ville du pays — et trois garnisons vietnamiennes sont attaquées.

Riposte des Vietnamiens, qui déclenchent leur traditionnelle offensive de la saison sèche contre les camps de la résistance sur la frontière, au moment où le chef de leur diplomatie, Nguyen Co Thach, quitte précipitamment Bangkok sans avoir rencontré les dirigeants thaïlandais. En quelques jours, toute la frontière khméro-thaïlandaise s'embrase. Des troupes vietnamiennes, pourchassant les Khmers rouges, pénètrent en Thaïlande ; l'aviation de Bangkok intervient ; les réfugiés fuient vers l'ouest. En avril, c'est au tour des camps du Front national de libération du peuple khmer d'être attaqués.

Implications étrangères

La Chine avait annoncé qu'elle soutiendrait la Thaïlande si celle-ci était menacée. Heurts entre patrouilles, tirs d'artillerie, accrochages..., c'est une véritable petite guerre qui, au printemps, oppose Vietnamiens et Chinois le long de leurs provinces limitrophes. Ces combats sont les plus graves depuis la guerre de février 1979.