Le Pendjab n'est pas seul à s'enflammer. Des émeutes opposent au printemps musulmans et hindous dans plusieurs villes (Hyderābād, Hubli). En mai, la ceinture industrielle de Bombay est le théâtre de sanglants affrontements entre les partisans du parti hindou et localiste Shivsena et des membres de la minorité musulmane (11 % de la population). Ainsi, plusieurs centaines d'émeutes opposent chaque année hindous et musulmans depuis 1977. Les hindous ne constituent pas pourtant une entité homogène. Mais certaines forces, représentées notamment par des organisations politiques et culturelles conservatrices, tentent de lui bâtir une unité, face à l'« ennemi intérieur » que représente, pour certains, l'islām.

Drame au Pendjab

L'aggravation de la situation dans ce petit État situé au nord-ouest de la fédération et le tragique épisode de juin marquent toute la première moitié de l'année.

Au printemps, malgré des concessions mineures, le gouvernement central demeure inflexible face aux exigences des organisations de la minorité sikh (52 % des Pendjabis, mais 2 % des Indiens).

Les demandes, qui portent notamment sur l'octroi de l'autonomie interne au Pendjab et sur la répartition des eaux d'irrigation, sont mises en avant par des factions sikhs, elles-mêmes divisées entre modérés et radicaux qui pratiquent la surenchère. Attentats, affrontements avec la police et émeutes opposant sikhs et hindous se succèdent, faisant plusieurs centaines de victimes.

La fédération des étudiants sikhs revendique, en avril, l'incendie de 47 gares. En mai, le Pendjab passe sous le contrôle de l'armée. Celle-ci donne l'assaut, les 4 et 5 juin, au Temple d'or d'Amritsar, la Mecque du sikhisme, qui servait de camp retranché aux radicaux. Leur chef, Sant Bhindranwale, trouve la mort dans l'assaut, avec plusieurs centaines de militants et de soldats. L'opposition, pour une fois unie, applaudit au « geste énergique du gouvernement », regrettant seulement que « l'on ait attendu si longtemps ». La minorité sikh se retrouve tragiquement isolée. L'arrestation de plus de 5 000 personnes ne met pas un terme à la violence, qui se poursuit en juillet et en août, après l'écrasement de rébellions dans l'armée.

Les traditions militaires des sikhs, l'emplacement stratégique du Pendjab le long de la frontière pakistanaise et le fait que l'État est un grenier à blé, expliquent la dureté des combats.

G. H.

Chômage et fanatisme

En janvier 1984 s'achève le Voyage de la mère unifiante, qui a vu des camions contenant de l'eau du Gange accomplir un périple dans tout le pays et soulever une passion qui n'est pas seulement religieuse. Les organisations revivalistes se renforcent et prétendent parler au nom de la nation. Certaines développent des milices et un esprit d'affrontement avec les minorités et avec la gauche laïque.

Ce mouvement se développe avec l'accroissement du chômage. L'Inde compte autant de demandeurs d'emploi que d'employés dans les grandes usines et l'administration. Plus de 80 millions de personnes sont sous-employées. Durant l'année écoulée, 4 millions de chômeurs supplémentaires se sont inscrits dans les bureaux d'embauché. Aux abois, de nombreux jeunes sont prêts à suivre les démagogues qui prétendent donner du travail aux hindous aux dépens des minorités, accusées d'être « antinationales ».

L'ampleur du chômage n'est pas seulement une conséquence d'une croissance démographique soutenue. Le faible nombre d'emplois offerts par l'industrie et l'appauvrissement de certaines couches rurales semblent des causes autrement fondamentales. 43 % des ménages ruraux n'ont pas de terres ou possèdent des avoirs négligeables. La modernisation, même lente, des campagnes surpeuplées (75 % de ruraux) réduit au chômage des milliers de manœuvres agricoles.

Dans certains États comme le Bihār, qui vit depuis dix ans une situation de guerre civile larvée, la lutte pour la terre est très violente. Elle met en jeu de puissants groupes de propriétaires et les communautés les plus organisées.

Les ambiguïtés de la croissance

Malgré la persistance de problèmes importants, comme le peu de rentabilité de nombreuses entreprises publiques, la faiblesse des grandes infrastructures (énergie, chemins de fer), la stagnation de nombreuses régions agricoles et le développement des grèves ouvrières dans le secteur public, les gérants de l'économie peuvent afficher leur satisfaction d'avoir rempli les objectifs du Ve Plan.