Quelques mois auparavant, Tōkyō et Pékin avaient créé un comité sino-japonais pour le xxie siècle. Le Japon octroie à la Chine un prêt de 470 milliards de yens (2,2 milliards de dollars), destiné à financer sept grands projets industriels chinois, pour une durée de sept ans. C'est le prêt le plus important jamais consenti par Tōkyō à Pékin. Il s'agit de financer trois projets d'expansion portuaire, deux projets de modernisation ferroviaire, un projet d'expansion du réseau de télécommunications Tientsin-Shanghai-Canton et enfin un projet de construction d'une centrale hydroélectrique.

Jacqueline Dubois

Corée du Sud

Ouverture et prospérité

Le voyage au Japon du président Chon, au début de septembre, et les regrets exprimés par l'empereur Hirohito pour la colonisation de la Corée (1910-1945) illustrent la normalisation survenue entre les deux pays, sous l'égide du protecteur américain. L'axe Washington-Tōkyō-Séoul qui se dessine aura peut-être des répercussions politiques et économiques importantes dans la zone du Pacifique. Entre-temps, le président Chon n'en poursuit pas moins ses tentatives de détente tous azimuts, qui permettent à son régime de sortir progressivement de l'isolement.

Détente diplomatique

Les agressions très graves dont la Corée du Sud a été victime en 1983 (affaire du Boeing sud-coréen abattu par la chasse soviétique en août 1983 ; attentat de Rangoon commis sans doute par des agents nord-coréens et qui fit 17 morts, dont plusieurs ministres et conseillers du président Chon) n'ont pas été suivies de ripostes militaires. Au contraire, Séoul, bien que handicapée par l'absence de relations directes avec Moscou et Pyongyang, manifeste sa modération vis-à-vis du Nord en lui proposant notamment la constitution d'une équipe coréenne unique aux JO de Los Angeles.

La visite de Ronald Reagan en novembre 1983, qui est suivie de celles de hautes personnalités américaines tout au long de 1984, est l'occasion de réaffirmer avec éclat le soutien américain au régime sud-coréen.

Le voyage du pape Jean-Paul II, du 3 au 11 mai, permet de rappeler opportunément que la communauté chrétienne de Corée est la seconde de l'Asie de l'Est, après celle des Philippines. Cette communauté apparaît en progression constante, au détriment des religions traditionnelles. Tant et si bien qu'on peut prévoir qu'au rythme actuel la Corée pourrait devenir un pays à majorité chrétienne en l'an 2000. En prenant régulièrement position en faveur des droits de l'homme, une partie du clergé apparaît comme une force d'opposition démocratique, peu suspecte de sympathie pour le régime nord-coréen. Enfin, l'ouverture internationale est aussi marquée par l'amélioration des relations avec la Chine (règlement à l'amiable du détournement d'un avion chinois et développement des relations sportives), et par le choix de Séoul pour accueillir les jeux Asiatiques de 1986 et les jeux Olympiques de 1988.

Décrispation interne

À une diplomatie active correspond une libéralisation politique et économique interne. La bonne volonté affichée a cependant du mal à s'incarner rapidement. Officiellement, trois étapes sont prévues dans le processus de démocratisation : stabilisation, autonomie, libéralisation proprement dite. L'étape de stabilisation du régime du président Chon (issu de l'assassinat du précédent président en 1979 et du coup d'État militaire qui l'a suivi) paraît largement réalisée. D'autant que la crise économique de 1980 a été suivie d'un boom exceptionnel.

Cette année, le gouvernement choisit d'aller plus loin : il conclut au printemps un accord avec les étudiants en leur accordant l'autonomie sur le territoire des campus universitaires, dont les forces de police sont retirées. L'autonomie comprend le droit de manifestation. Le pari est que l'on pourra passer du conflit au dialogue : il s'agit de convaincre les étudiants, future élite de la nation, de la bonne foi du gouvernement.

Le succès de cette politique pourrait conduire à élargir les domaines de l'autonomie. Rien n'a été fait cependant vis-à-vis de la presse et des syndicats, qui continueront d'être étroitement contrôlés. Certains observateurs estiment que le pouvoir politique demeure tout autant concentré entre les mains du président Chon et de son équipe de conseillers. D'autres font remarquer que ceux-ci, jeunes et formés aux États-Unis, sont partisans du libéralisme. L'annonce du retrait du président à la fin de son mandat, en 1988, pourrait déboucher sur une véritable démocratisation.

Un modèle économique

La prospérité de la Corée ne paraît pas résulter des recettes classiques du libéralisme. Elle n'en est pas moins frappante : 9,2 % de croissance du PNB en 1983 et 9,7 % pour le premier trimestre 1984 (9 % prévus pour l'année), avec un taux d'inflation de 3 % en 1983 (2 % prévus pour 1984). Dans le même temps, le gonflement de la dette extérieure est stoppé. Ces résultats sont en partie à mettre au crédit de la politique suivie depuis 1980 : moins d'initiatives étatiques en matière d'industries lourdes, plus de respect des lois du marché et une ouverture plus grande aux importations et aux capitaux étrangers. Enfin, hausse du pouvoir d'achat des travailleurs.