À Washington, les parlementaires s'inquiètent de plus en plus de la politique des États-Unis en Amérique centrale. À quelques mois de l'élection présidentielle du 6 novembre, beaucoup de partisans républicains du président Reagan craignent que le candidat démocrate ne tire parti de la politique ambiguë de l'exécutif pour mobiliser l'opinion publique en sa faveur. « Si je suis élu, proclame Walter Mondale, je rétablirai la paix dans les cent jours qui suivront ma prise de fonctions. »

La solution n'est pas aussi simple. Dans le sud du Honduras, les 10 000 contras du Front démocratique nicaraguayen (FDN), que dirigent d'anciens officiers somozistes, sont suffisamment armés et équipés pour effectuer des incursions de plus en plus sanglantes à l'intérieur du Nicaragua. Ils ont de surcroît l'avantage d'avoir sur leurs arrières des bases logistiques, aménagées par les Américains, vers lesquelles ils pourraient se replier en cas de conflit général. Dans le nord du Costa Rica, les contras de l'Alliance révolutionnaire démocratique (ARDE) ne peuvent compter sur la complicité du gouvernement de San José qui se veut officiellement neutre. Mais, dans l'éventualité d'une offensive conjointe contre le régime sandiniste, ils auraient une carte politique à jouer. Leurs principaux leaders sont d'anciens combattants antisomozistes.

Pour les dirigeants de Managua, qui tiennent leur pouvoir d'une insurrection populaire, il ne peut être question d'engager le dialogue avec les contras afin de les amener à participer aux élections du 4 novembre. Cependant, le fait que les responsables sandinistes avancent de plusieurs mois la date de l'élection présidentielle est un premier pas vers la normalisation des institutions. Malgré le boycottage de la principale formation de l'opposition — la Coordination démocratique (centre droit) —, une douzaine de partis, allant de l'extrême gauche au centre libéral, participent au scrutin, qui se traduit par la victoire sans surprise de Daniel Ortega, le numéro un sandiniste.

La rencontre de La Palma

Malgré leurs graves différents, Washington et Managua n'en poursuivent pas moins le dialogue qu'ils ont amorcé en juin, à Manzanillo, grâce aux bons offices du président mexicain Miguel de La Madrid. Il est encore trop tôt pour connaître les points essentiels sur lesquels peuvent tomber d'accord les deux pays, qu'une violente controverse sur les livraisons d'armes soviétiques au Nicaragua oppose, en novembre. Entre-temps, réunis à San José de Costa Rica, les ministres des Affaires étrangères de l'Europe des Dix, de l'Espagne et du Portugal avaient affirmé fin septembre à leurs homologues du groupe de Contadora et de l'Amérique centrale qu'ils soutenaient entièrement leur démarche vers une issue pacifique aux problèmes de la région.

Tous ces facteurs ont certainement encouragé le président Napoléon Duarte à offrir, le 8 octobre, à l'Assemblée générale des Nations unies, de rencontrer dès le 15 octobre les chefs de l'insurrection salvadorienne dans le village de La Palma qu'ils contrôlent. La réponse est venue moins de 24 heures plus tard. À la date prévue, dans la localité de 6 000 habitants, devenue pour quelques heures un no man's land sous la protection de la Croix-Rouge internationale, le président Napoléon Duarte et les quatre représentants de la guérilla se mettent d'accord pour créer une commission bipartite qui sera chargée, sous la médiation de l'Église, de mener à la pacification du pays. C'est Mgr Arturo Rivera y Damas, archevêque de San Salvador, présent à l'entretien, qui fait la lecture du communiqué commun aux paysans agitant des drapeaux blancs.

Après cinq ans d'une guerre civile qui a fait plus de 50 000 morts, les perspectives d'une intégration lente, mais progressive, des forces révolutionnaires dans le processus démocratique salvadorien se dessinent. Mais la détente en Amérique centrale dépend aussi de l'évolution des relations entre les États-Unis et le Nicaragua.

Édouard Bailby

Argentine

Déception après l'état de grâce

Le président Raùl Alfonsín et son gouvernement ne paraissent pas en mesure de répondre aux aspirations de changement exprimées par le vote du 30 octobre 1983. Bien entendu, les radicaux ne peuvent être tenus pour responsables du délabrement du pays, ni de la crise économique et sociale. Mais, après sept années de désastreuse gestion des militaires, beaucoup attendaient que la « nouvelle ère » annoncée par le candidat radical se traduise rapidement dans les faits.