Faisant front commun, les pays latino-américains endettés ont vivement protesté contre la hausse des taux d'intérêt aux États-Unis et demandé à leurs préteurs de ne plus leur imposer des plans d'austérité draconiens. Ce sont, en effet, leurs citoyens les plus pauvres qui en font les frais. La priorité devrait être accordée, selon eux, à la croissance de la production et de l'emploi. Se servant des protestations de leur opinion publique, plusieurs gouvernements ont obtenu en 1984 le rééchelonnement d'une partie de leur dette.

C'est un moyen de gagner du temps mais qui, à lui seul, ne résout rien. L'année 1984 s'est terminée à peu près comme elle avait commencé : avec un formidable fossé entre des États-Unis en pleine croissance économique, drainant des capitaux du monde entier, et des pays latino-américains étranglés par leurs dettes, victimes d'une inflation monstrueuse (700 % en Argentine, plus de 1 000 % en Bolivie), d'un chômage considérable et, parfois, de la faim tout court. En 1984, deux images ont frappé presque simultanément les téléspectateurs du monde entier : l'Amérique triomphante des JO de Los Angeles et l'Amérique affamée du Nordeste brésilien. Difficile de les confondre, impossible de les séparer.

Robert Solé

États-Unis

Le triomphe de Reagan

Le 6 novembre, Ronald Reagan est réélu président par un véritable raz de marée populaire : il emporte 49 États sur 51 et 525 votes de grands électeurs sur 538. Mais ce succès est plus celui d'un homme que de son parti. Les républicains perdent, en effet, 2 sièges au Sénat, où ils conservent une majorité de 8 sièges. Ils en gagnent 15 à la Chambre des représentants, qui reste cependant très majoritairement démocrate. Le nouveau Congrès ne sera donc pas plus complaisant que le précédent à l'égard du président.

Le défi du président

L'extraordinaire succès personnel de R. Reagan était prévu par tous les sondages. Il est attribué à la réalité de la reprise économique qui, même si elle a laissé de côté des millions d'Américains, a convaincu la plus grande partie des autres que le président avait remis le pays à l'heure de la prospérité.

Le sérieux, l'honnêteté, la connaissance des dossiers de son adversaire, Walter Mondale, n'ont rien pu contre l'image du grand-papa gâteau que les Américains ont apprécié, après les traumatismes de la défaite au Viêt-nam, du Watergate et de la prise d'otages en Iran.

Il ne manque pas de prophètes de malheur pour souligner qu'une grande partie de cette euphorie est artificielle et que les Américains ne vont pas tarder à se réveiller à des réalités cuisantes : la précarité de la reprise économique, la folle course aux armements qui s'accélère avec l'URSS, les dangers de nouvelles explosions sociales quand le fossé qui sépare les Américains qui ont tout de ceux qui n'ont rien est plus voyant que jamais, la présence, enfin, à la Maison-Blanche, d'un vieil homme dont le moins qu'on puisse dire est qu'il connaît bien mal les dossiers les plus importants et qu'il se fatigue vite.

Une réussite insolente

En attendant que les vrais problèmes resurgissent, les Américains terminent l'année convaincus qu'ils vivent dans le meilleur des mondes et que le reste du globe ne peut que les envier. Les pauvres, les exclus, eux, ne s'expriment pas. Ils ne se sont d'ailleurs sans doute pas exprimés le 6 novembre, puisque à peine 53 % des électeurs potentiels se sont rendus aux urnes. Quelque 2 % de plus, pourtant, qu'en 1980. Parmi eux, beaucoup de jeunes électeurs, symboles d'une nouvelle génération aussi peu contestataire que possible. Les années folles, celles de 1960-1975, avec leurs hippies, leurs beatniks et leurs violentes manifestations de rue, semblent cette fois bien enterrées...

1984 a, bien sur, été dominé par l'élection présidentielle qui a, peu ou prou, coloré tous les événements politiques et même économiques.

C'est à la fin de janvier que Ronald Reagan déclare qu'il sollicitera un nouveau mandat, et sa victoire fera de lui, à 73 ans, le plus vieux président jamais entré à la Maison-Blanche.