À la convention démocrate de San Francisco, en juillet, Jesse Jackson fait patte de velours et prononce un discours qui émeut aux larmes — littéralement — tout l'auditoire. La communauté noire est enthousiasmée, la blanche, même démocrate, vaguement inquiète. J. Jackson le comprend et mettra la pédale douce jusqu'aux élections. Au grand soulagement de Walter Mondale, qui est triomphalement désigné comme candidat officiel des démocrates.

Une femme candidate

Walter Mondale, le mal-aimé, fait un coup de maître en prenant pour colistière Geraldine Ferraro : c'est la première fois dans l'histoire américaine qu'une femme est candidate à la vice-présidence. Catholique d'origine italienne, « Gerry » Ferraro est une professionnelle de la politique qui détient, avec brio, son troisième mandat de représentante de l'État de New York au Congrès de Washington. C'est une battante, avec un goût prononcé pour un humour à l'emporte-pièce qui pourrait indisposer les démocrates traditionalistes du sud des États-Unis. Mais, épouse impeccable et mère de trois enfants, Gerry Ferraro a des chances de rassurer la partie la plus conservatrice de son électorat.

Les républicains, un instant désarçonnés par ce choix bien fait pour accentuer le « gender gap » — la désaffection de l'électoral féminin pour le système Reagan —, contre-attaquent en découvrant quelques irrégularités dans les affaires immobilières du mari de la potentielle vice-présidente. La bagarre dure plusieurs semaines, par presse interposée. Elle se calme le jour où les démocrates révèlent que le vice-président de M. Reagan, George Bush, semble, lui aussi, en délicatesse avec l'administration des impôts.

L'élection médiatique

Le grand événement de la bataille qui oppose Reagan à Mondale est le double débat télévisé qui devrait permettre, sous les yeux de quelque 80 millions d'Américains, de départager les deux candidats. Celui qui avait opposé Reagan à Carter en 1980 avait constitué un tournant de la campagne et assuré l'élection de R. Reagan dans des conditions curieuses, puisque le candidat républicain avait plus convaincu le public des téléspectateurs que celui de la salle de Cleveland (Ohio) où avait lieu la rencontre.

Le premier débat 1984, le 7 octobre, devait se révéler préoccupant pour les reaganiens : le président se montre hésitant, vague et, pour tout dire, quelque peu sénile. Pour la première fois depuis son entrée à la Maison-Blanche, R. Reagan accuse son âge : 73 ans, le plus vieux président jamais élu aux États-Unis. Le second débat, deux semaines plus tard, porte sur la politique étrangère, le point faible du président, qui, cette fois, s'en tire pourtant un peu mieux. Encore que sa connaissance des questions de désarmement nucléaire paraît passablement floue. Mais qu'importe : 1'« effet Reagan », l'espèce de cécité dont les Américains paraissent affectés dès qu'il s'agit de juger leur chef suprême, continue à jouer : la popularité du président ne se dément guère. Quant au débat Bush-Ferraro, qui a eu lieu entre-temps, il n'a pas été l'occasion du grand spectacle qu'on était en droit d'attendre, avec un vice-président d'un tempérament discret et son challenger au verbe corrosif : de crainte d'inquiéter les nombreux antiféministes de l'électorat, « Gerry » met une sourdine à son talent oratoire.

Le vertige de la reprise

À l'aube de son second mandat, Ronald Reagan se trouve confronté à trois problèmes clés : la remise en ordre d'un système financier compromis par les mouvements spasmodiques du dollar et les menaces de krachs bancaires ; le rétablissement des relations Est-Ouest et la reprise des négociations sur la limitation des armes nucléaires ; enfin la paix au Proche-Orient.

Trois secteurs qui détermineront les chances du parti républicain de consolider en 1988 sa victoire de 1980 et de 1984.

Le principal moteur du succès de Reagan est la reprise économique, qui s'est confirmée l'été 83 et ne s'est pas démentie depuis. Pourtant, les milieux financiers souhaitent ardemment un ralentissement qui réduirait les demandes de crédit et aurait des chances de faire baisser les taux d'intérêt exorbitants imposés par les banques, inquiètes d'un déficit budgétaire sans cesse croissant.