La perspective des élections municipales au mois de mars parvient à peine à freiner la cote, en dépit des rumeurs d'un prochain plan d'austérité. Il est vrai qu'aux yeux de la Bourse il n'y a rien à perdre, puisque le régime ne changera pas ; il y a plutôt à gagner pour peu que le gouvernement tienne compte du coup de semonce qui s'annonce. Mais les valeurs françaises ne sont pas les seules à retenir l'attention des investisseurs, comme l'indique la devise-titre qui atteint début mars 9 F pour un dollar. Le principe de la diversification des risques reste en application. La baisse des prix du pétrole vient opportunément donner un coup de pouce à la cote. Pourtant, les premiers chiffres 1983 connus en matière de commerce extérieur et de prix de détail sont bien peu encourageants et les analyses et enquêtes économiques réalisées auprès des chefs d'entreprise comme des consommateurs incitent à la réserve.

Dévaluation

C'est alors que le succès d'Helmut Kohl aux élections allemandes relance le deutsche Mark et la spéculation contre le franc. Cela débouche très vite sur un nouveau réajustement monétaire dont l'ampleur est cependant moins forte que prévu. La limitation des déplacements des Français à l'étranger, par l'instauration du carnet de change entraîne des achats nourris sur l'action du Club Méditerranée, qui devrait profiter de la situation puisqu'il offre des voyages payables en francs avant le départ. Pour le reste, on s'inquiète de la baisse enfin officiellement admise du pouvoir d'achat et de la remontée inéluctable du chômage. Cela n'empêche pas le mois d'avril de rester faste au marché. La dépréciation du franc rend d'ailleurs les valeurs françaises moins chères aux étrangers. Pourquoi alors se priver d'acheter les plus belles ? Et ce, d'autant plus que les autres marchés sont devenus eux-mêmes chers : Tokyo et Londres sont à des niveaux records, aussi bien que New York, où l'indice Dow Jones atteint les 1 200.

Si nul n'attend grand-chose du sommet monétaire de Williamsburg, l'investisseur français continue de rechercher les valeurs largement implantées à l'étranger. C'est l'heure de gloire de la Générale Biscuit, comme de la Générale occidentale. Sans dédaigner pour autant les valeurs sucrières stimulées par la hausse des cours mondiaux du sucre, ni les pétrolières, que leurs recherches rendent spéculatives comme Esso et la Française des pétroles BP. Il faut que les analyses de conjoncture virent du gris au noir — « la récession est là », lance Yvon Gattaz, le président du CNPF, en cri d'alarme — pour que la Bourse de Paris marque une pause en juin. On peut en effet à peine parler de retrait, quand le semestre s'achève sur une hausse de 25 % des actions françaises. Et la nouveauté fait toujours recette : l'introduction d'Ortiz-Miko sur le second marché doit être ajournée, car on en demande plus de 12 fois le capital.

Réformes

La nouveauté, ce sera d'ailleurs l'une des clés de cette année 1983. Nouveauté des marchés avec le second marché d'abord, puis le marché à règlement mensuel adopté au lendemain de la liquidation d'octobre ; nouveauté des produits aussi. Encore en rodage, le second marché s'annonce déjà comme un succès. Il fait suite à l'ancien compartiment spécial du hors-cote créé en 1977 mais dont l'échec avait été vite patent, pour au moins deux raisons : la connotation négative du mot hors-cote et l'absence de contrepartie, donc de transactions. Un marché devient alors un piège. À côté des valeurs venant du hors-cote spécial, le second marché accueille aussi certaines valeurs du hors-cote ordinaire ainsi que de nouvelles venues de tailles très diverses. C'est là que doit se situer l'élément moteur de demain. Outre Zodiac et Ortiz-Miko déjà citées, les premières venues s'appellent Sodexho, Dafsa, Smoby, Petit Bateau Valton, Codetour, Quo vadis, etc. Certaines sont déjà célèbres. Les contrats de liquidité conclus entre les intermédiaires financiers et les sociétés introduites vont être l'un des principaux atouts de cette nouvelle structure, où l'on peut venir en n'offrant au public que 10 % de son capital au lieu des 25 % exigés à la cote officielle.