Économie

Conjoncture
La purge

La politique économique française adoptée en juin 1982, confirmée et amplifiée en mars 1983 à l'occasion de la troisième dévaluation du franc — dans le cadre d'un réaménagement monétaire européen — résulte d'un choix fondamental de société : l'appartenance à l'Alliance atlantique impliquant le maintien de la France dans une zone économique ouverte à la concurrence internationale, donc au système de libre-échange.
Que ce choix puisse être remis en cause ou non, qu'il soit assorti, ou non, de restrictions momentanées, ne change rien à ses conséquences. Il explique l'obligation dans laquelle se sont trouvées les autorités françaises de passer d'une politique de relance économique à une politique d'austérité qui devrait être poursuivie tout au long de l'année 1984.

Deux tableaux, celui de l'évolution du produit national brut (PNB) dans les principaux pays industriels et celui des prix à la consommation dans les principales nations industrielles, expliquent les raisons du changement de cap du gouvernement français. Comme le rappelaient les experts de l'OCDE dans leur dernière étude économique (avril 1983) : « La politique économique mise en œuvre par le gouvernement français à la mi-81 avait pour objectif principal la lutte contre le chômage et reposait sur une stratégie de relance de l'activité. » Celle-ci fut principalement réalisée par une augmentation des prestations sociales, dont le pouvoir d'achat est passé de + 2 % en 1980 à + 5,1 % en 1981 et à + 6,7 % en 1982. Ce coup d'accélérateur eut deux conséquences immédiates : l'affaiblissement de la structure financière des entreprises, dont l'excédent brut d'exploitation, en réduction constante depuis 1970, n'est plus que de 26,1 % contre 32,6 % douze ans auparavant, et le maintien à un niveau élevé de la consommation des ménages, principal soutien de l'activité économique et de l'emploi.

Faute de reprise économique à l'étranger, les effets de ce coup d'accélérateur ont pesé sur les échanges extérieurs de deux façons : accroissement des importations par insuffisance de production nationale et ralentissement des exportations par perte de productivité, mesuré par le tableau d'évolution des prix dans les pays industrialisés. Dès lors, le choix se situait entre le protectionnisme et la dévaluation avec, dans l'un comme dans l'autre cas, la nécessité de rétablir l'équilibre par un prélèvement sur le pouvoir d'achat des ménages et une réduction des dépenses de l'État. C'est ce que le gouvernement a entrepris dès juin 1982 et renforcé en mars 83, comme le montre l'analyse budgétaire. Globalement et au-delà des querelles statistiques démontrant que le budget 1983 n'aura pas été réalisé en totalité, les mesures d'accompagnement du 25 mars 1983 visaient à réduire la demande globale de 65 milliards de F, répartis en :
– 20 milliards d'épargne forcée des ménages, dont 14 milliards d'emprunts obligatoires et 6 milliards d'encouragement à l'épargne (épargne-logement, relèvement du plafond du livret A) ;
– 20 milliards de réduction du déficit budgétaire, dont 10 milliards d'annulation de crédits sur le fonds de régulation budgétaire, 5 milliards d'économies sur les dépenses effectivement programmées, 5 milliards de recettes provenant de la taxe parafiscale sur les produits pétroliers ;
– 13 milliards de réduction du déficit de la Sécurité sociale, dont 4 milliards par économies et 9 milliards par la fiscalité ;
– 7 milliards par l'augmentation des tarifs publics ;
– 2 milliards par réduction des prêts aux collectivités locales.

De ce fait, la progression de la dépense nationale a été ramenée de 27,6 % dans le budget 1982 à 11,8 % en 1983 et à 6,3 % dans le budget 1984, soit 3/4 de points de moins que le PNB en valeur. C'est sans précédent depuis les années 50. La purge. Parallèlement, les prix, sortis du blocage à la fin de 1982, restaient enserrés dans le corset des « accords de programmation » et les salaires limités au maintien du pouvoir d'achat brut en masse impliquant une réduction en moyenne, soit un taux d'accroissement du salaire horaire probablement de 11 % contre 12,6 % en 1982.