Malgré, là encore, les oppositions exprimées de diverses parts, et sans aller aussi loin que la commission du Plan, qui suggérait de stopper totalement le programme nucléaire pendant quatre ans, le gouvernement a décidé, le 19 juillet 1983, de limiter à deux tranches de 1 300 mégawatts par an le rythme d'investissement d'ici à la fin de la décennie. En même temps, EDF était autorisée à lancer une campagne de publicité vigoureuse en faveur de la consommation d'électricité. On voit bien les raisons qui justifient cette demi-mesure : il aurait été dramatique de démobiliser les équipes et de geler les moyens d'équipement que la France avait su rassembler pour son industrie nucléaire. Mais il paraît clair aussi que, à moins d'un improbable redémarrage prochain et puissant de l'activité économique, les méfaits du gaspillage financier correspondant à ce surinvestissement ne tarderont pas à se manifester.

Fermeture dramatique des mines de charbon, cavalcade folle des prix pétroliers, coup d'arrêt brutal à nos ambitions nucléaires... La France n'a pas fini de digérer les conséquences des mouvements erratiques qui ont bouleversé le marché de l'énergie.

Jacques Fontaine

Agriculture

Le temps des incertitudes

Il y a campagne et campagne

Édith Cresson, ministre de l'Agriculture, subodore déjà, en ce début d'année 1983, que la dernière campagne agricole a été meilleure encore que ne le disent les dernières estimations officielles François Guillaume, président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, fort de ses 700 000 adhérents, fait, lui, campagne depuis plusieurs semaines déjà pour emporter les élections aux chambres d'agriculture.

L'enjeu : 4 360 sièges à pourvoir dans les 90 chambres de la métropole. Plus de 3 millions d'électeurs répartis en divers collèges, dont plus de la moitié (1,7 million) dans le collège des exploitants. Le 28 janvier, c'est le vote. Le taux de participation est très élevé : 70 % contre 56 % à la précédente consultation. L'alliance Fédération nationale des exploitants-Centre national des jeunes agriculteurs l'emporte largement ; les statistiques officielles la créditent de 61,1 % des voix dans le collège des exploitants — le plus important —, elle en revendique plus de 70 %. Les challengers viennent loin derrière. Le Mouvement de défense des exploitants familiaux, proche du parti communiste, obtient 9,84 % des voix. La Confédération nationale des syndicats des travailleurs paysans et la Fédération nationale des syndicats paysans, l'une et l'autre de sensibilité socialiste, rassemblent respectivement 7,08 % et 5,80 % des voix. Et la Fédération française de l'agriculture, plutôt conservatrice, 5,89 %... Une victoire sans appel, commente François Guillaume. Propos confirmé quelques semaines plus tard par la désignation des présidents des chambres et par l'élection du bureau de leur Assemblée permanente, dont Louis Perrin conserve la présidence.

FNSEA
Un solide centenaire

Fête un peu compassée, ce 15 novembre 1983, à Paris : la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles — la FNSEA forte de quelque 700 000 adhérents — et le Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA) célèbrent ensemble le centenaire du syndicalisme agricole.

C'est, en effet, en juillet 1883 qu'est né le premier syndicat agricole, dans le Loir-et-Cher, à l'initiative d'un professeur départemental d'agriculture, Jules Tanviray. Au début de ce siècle, 2 069 syndicats agricoles regroupent 512 000 adhérents. Et, à la veille de la Grande Guerre, 900 000 agriculteurs sont rassemblés dans 5 000 syndicats. En dépit de rivalités politiques, de diverses vicissitudes, le syndicalisme paysan progresse. Et, après la parenthèse de l'Occupation, durant laquelle le gouvernement de Vichy lui a substitué la Corporation paysanne, organisation unique sous la tutelle du pouvoir, il renaît de ses cendres et se proclame unitaire.

Devant un millier de délégués syndicaux, un parterre d'anciens ministres de l'Agriculture et en présence de Michel Rocard, François Guillaume, président de la FNSEA, retrace ces cent ans d'histoire. Et il insiste sur l'idéal de solidarité et d'unité qui anime son organisation, pour en venir à un thème qui lui tient à cœur : la représentativité de la FNSEA et du CNJA, dont il estime qu'elle justifie la revendication de ces organisations d'être les interlocuteurs privilégiés de l'État dans la définition et l'application de la politique agricole.