Maghreb, Moyen-Orient

Un équilibre très précaire

Les événements de l'année 1983 dans l'ensemble du monde arabe et du Moyen-Orient portent la marque du formidable ébranlement que la région connut lors de la guerre du Liban, durant l'été de 1982. Ils n'en sont, au fond, que le prolongement.

Cette guerre, en effet, avait entraîné une série de conséquences décisives.

– La carence des pays arabes — impuissants à porter secours aux Libanais et aux Palestiniens — avait souligné et aggravé leurs divisions et leur faiblesse face aux dangers provenant de la guerre du Golfe, de la supériorité militaire israélienne et du jeu des grandes puissances.

– Israël, au prix de la guerre la plus longue et la plus coûteuse de son histoire, avait occupé un tiers du Liban, consolidé son alliance avec les phalangistes libanais, fait la preuve de son hégémonie militaire au Proche-Orient, et vérifié surtout qu'il demeurait l'allié privilégié des États-Unis.

– La résistance palestinienne, malgré un long et vigoureux combat mené à Beyrouth, était gravement affaiblie, son infrastructure militaire au Sud-Liban détruite, ses combattants dispersés et sa direction politique exilée à Tunis.

– Les États-Unis avaient montré qu'ils pouvaient garder d'étroites relations avec la plupart des pays arabes tout en soutenant Israël tout au long de la guerre, et leur prépondérance dans la région paraissait absolue.

On assiste donc, de l'automne 1982 à l'automne 1983, au prolongement des événements de l'été 1982, chaque partie tentant d'exploiter les succès remportés ou de reconstituer ses forces en vue des affrontements futurs, politiques ou militaires.

Les États-Unis cherchent à utiliser leur prépondérance politique dans l'ensemble du Proche-Orient, sinon pour en résoudre les crises, du moins pour éviter le risque de nouvelles explosions et accroître leur aire d'influence.

– Le plan Reagan présenté au lendemain de la guerre de 1982 ne pouvait résoudre le conflit israélo-arabe. Supposant à l'essor du peuplement israélien dans les territoires occupés depuis 1967, suggérant l'évacuation de ces territoires, et la « participation de la Jordanie » à leur administration, il avait été rejeté sur-le-champ par Israël, dont la politique vise à une emprise définitive sur ce que M. Begin, et après lui I. Shamir, appelait intentionnellement « la Samarie et la Judée ». En sens inverse, le plan Reagan, en excluant toute perspective d'État palestinien et en refusant, par là, le droit des Palestiniens à l'autodétermination, demeurait inacceptable pour l'OLP. Aussi bien n'en est-il plus question par la suite : la politique américaine prend facilement son parti de mettre entre parenthèses la question palestinienne comme si elle avait été, sinon résolue, du moins rejetée à plus tard, par la victoire israélienne de l'été 1982.

– En revanche, les États-Unis s'étaient fixé un but bien déterminé au Liban : en accord avec le président Amine Gemayel, ils avaient choisi de réunifier le territoire libanais et d'y restaurer l'autorité de l'État, en provoquant le départ des troupes étrangères et naturellement aussi en incorporant le pays à leur zone d'influence politique, économique et même stratégique. C'est dans ce dessein qu'ils entreprennent de négocier le départ des armées israéliennes du Sud-Liban. Mais le résultat est un accord qui, en donnant aux protégés libanais d'Israël — en particulier le major Saad Haddad — des responsabilités privilégiées dans le sud du pays, correspond aux exigences du gouvernement Begin. La Syrie ne peut naturellement pas y souscrire. On en arrive donc à une impasse qui fait redouter de nouvelles crises : elles vont se produire en septembre.

OLP : la dissidence

Si les États-Unis avaient été les véritables vainqueurs de l'été 1982, les Palestiniens en avaient été les principales victimes. Yasser Arafat songea pourtant qu'il était possible de transformer une défaite militaire en succès politique et de se servir du capital moral que constituait la résistance palestinienne à Beyrouth pour faire avancer la cause palestinienne sur la scène internationale. Il réussit, avant la fin de 1982, à rallier la quasi-totalité des pays arabes à la déclaration de Fès, qui, au-delà des précautions de langage, visait à l'établissement d'un État palestinien aux côtés de l'État israélien. Par une série de déplacements spectaculaires, en particulier à Rome et au Vatican, il consolide apparemment sa position personnelle, et il fait ratifier ses objectifs par le Conseil national palestinien à Alger, au mois de février.