Dans les semaines qui suivent, le ton monte de part et d'autre. R. Reagan dénonce, le 8 mars, l'URSS comme « l'empire du mal » et lance une sévère mise en garde aux pacifistes et, indirectement, aux évêques catholiques américains qui ont pris position en faveur de l'arrêt des essais, de la production et du déploiement des armes nucléaires. Il annonce, le 23, l'extension du programme militaire des États-Unis et de nouvelles recherches en matière de défense anti-missiles. Critiquée au sein même des milieux dirigeants de Washington, cette stratégie de guerre des étoiles donne lieu à une vive polémique entre les deux Grands.

Mettant entre parenthèses l'option zéro, R. Reagan propose alors de nouveau, le 30 mars, le bannissement de toute fusée nucléaire américaine ou soviétique à moyenne portée en Europe. Ce plan est repoussé par Moscou : « Ce n'est pas le chemin de la paix ni celui d'un accord », estime A. Gromyko le 2 avril. Le 19 avril, le président dépose devant le Congrès un nouveau projet de déploiement de missiles à têtes multiples MX, qui pourraient être remplacés, au début des années 90, par des missiles Midgetman à ogive unique.

Le nombre d'ogives

Profitant de la reprise à Genève des négociations START (qui se déroulent parallèlement à celles sur les euromissiles), R. Reagan suggère, le 8 juin, que soit prise comme base de calcul la capacité d'emport (masse additionnée des ogives et du mécanisme de propulsion). Réponse de Moscou : les Américains veulent rompre « la parité stratégique établie ». George Shultz, déposant devant une commission du Sénat, qualifie, le 15 juin, de « grave » l'état des rapports entre l'URSS et les États-Unis.

Pourtant, plusieurs signes de dégel vont se manifester au cours de l'été. La délégation américaine aux négociations START constate des « changements positifs » dans la position soviétique. Le 15 juillet, après deux ans et dix mois de discussions ardues, les trente-cinq pays participant à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe — dont les États-Unis et l'URSS — parviennent à se mettre d'accord à Madrid sur un document relatif aux droits de l'homme et au désarmement. Un nouvel accord sur les ventes de céréales à l'Union soviétique est conclu le 28 juillet à Vienne, à la grande satisfaction des fermiers du Middle West. Les restrictions sur les exportations à l'URSS de machines destinées à la pose des oléoducs et gazoducs sont levées le 20 août. Enfin, le 27 août, une proposition de Y. Andropov sur le contrôle des euromissiles semble correspondre à l'une des exigences des Américains.

Boeing coréen

Quatre jours plus tard, l'affaire du Boeing sud-coréen va mettre fin à cette période de détente relative. À plusieurs reprises, Washington rejette les explications soviétiques et le président Reagan condamne en termes très durs « ce crime contre l'humanité (...) qui n'avait aucune justification légale ou morale ». Toutefois, la virulence des propos tenus par le chef de l'exécutif contraste avec la modération des mesures de représailles annoncées : fermeture des bureaux de l'Aeroflot et interdiction à la compagnie soviétique de toute opération commerciale réalisée par l'intermédiaire des compagnies américaines.

Dès le 2 septembre, le Département d'État fait savoir que les négociations de Genève ne seront pas affectées par l'affaire du Boeing et que la rencontre prévue à Madrid entre G. Shultz et A. Gromyko est maintenue. Celle-ci a bien lieu le 8 septembre, mais dans un climat de méfiance et d'hostilité. Et le chef de la diplomatie soviétique annule le déplacement qu'il doit faire à New York, à l'occasion de l'Assemblée générale des Nations unies.

En tout cas, pour ce qui est des euromissiles, Washington souligne que leur déploiement commencera comme prévu à la fin de l'année, mais ne ferme pas la porte à un accord, et rappelle qu'aucune date limite n'a été imposée aux conversations. L'émotion soulevée dans l'opinion publique par la destruction de l'avion de la KAL permet, par ailleurs, de balayer les réticences exprimées jusque-là au Congrès à propos du budget de la Défense. Répondant favorablement à l'appel lancé par R. Reagan d'accepter les dépenses militaires nécessaires « au maintien de la paix par la force », le Sénat (par 83 voix contre 8) et la Chambre des représentants (par 266 voix contre 152) votent, les 14 et 15 septembre, les 187,5 milliards de dollars réclamés par le président. Sur cette somme, près de 11 milliards seront consacrés au MX, au bombardier stratégique B1 et au missile Pershing II.

Déconvenues au Proche-Orient

L'intense activité diplomatique déployée par les États-Unis au Proche-Orient se solde par des résultats modestes et ne réussit guère à faire progresser le processus de paix. Au début de l'année, l'enlisement des négociations israélo-libanaises, qui se poursuivent avec le concours des deux émissaires du président Reagan, Philip Habib et Morris Draper, l'ajournement du voyage de Menahem Begin dans la capitale fédérale, la multiplication des incidents entre marines et soldats israéliens au Liban provoquent un regain de tension entre Washington et Jérusalem. Ainsi, R. Reagan accuse, le 7 février, Israël de « retarder inutilement » le retrait de toutes les troupes étrangères du Liban et d'« occuper » ce pays. Il propose, le 22, de « garantir » la frontière nord de l'État juif mais se heurte au refus de M. Begin. Peu après, le ministre israélien des Affaires étrangères, Itzhak Shamir, critique sévèrement les propos du chef de l'exécutif américain qui, le 23 février, a estimé qu'un règlement global israélo-arabe présupposait « quelque chose comme une patrie (homeland) pour les Palestiniens ».