La guérilla n'est certes pas aux abois. Elle le prouve en renouvelant ses attaques contre des centres urbains, comme, le 3 septembre, à San Miguel, troisième ville du pays. Elle est malgré tout affaiblie. D'autant que, tout au long de l'année, les Américains ont accentué les pressions militaires et politiques sur le Nicaragua, principale source d'approvisionnement en armes du FMLN.

Ouvertures diplomatiques

La situation militaire ainsi rééquilibrée, les deux camps multiplient les ouvertures diplomatiques. Fidel Castro se prononce le 22 juillet en faveur d'une solution politique « acceptable » pour les forces révolutionnaires du Salvador. Dans le cadre d'un règlement global, le chef de l'État cubain s'engagerait à cesser ses livraisons d'armes dans la région et à retirer ses conseillers militaires du Nicaragua. N'est-ce pas là ce que souhaitent les États-Unis ? Tout paraît alors aller très vite : trois jours après, l'ambassadeur itinérant de R. Reagan, Richard Stone, rencontre à Bogotá (Colombie), pour la première fois, un des dirigeants du Front démocratique révolutionnaire (FDR, expression politique de la guérilla), Ruben Zamora. Ces contacts se poursuivront. Le 30 août notamment, à San José de Costa Rica, R. Stone confère avec Guillermo Ungo, principal leader du FDR.

Les positions de départ des uns et des autres sont éloignées. Le président Alvaro Magaña souhaite obtenir la participation des révolutionnaires aux élections de 1984. Guillermo Ungo demande, au préalable, l'entrée de son mouvement au gouvernement, estimant qu'il n'aurait pas, dans le cas contraire, de garanties suffisantes. En faveur d'un compromis joue le souhait des Américains et des Cubains d'aboutir à une accalmie : R. Reagan, en raison des élections américaines de 1984 ; F. Castro, à cause des difficultés économiques de son pays. La présence de modérés, dans chacun des deux camps qui s'affrontent, va dans le même sens : démocrates-chrétiens, du côté du gouvernement, sociaux-démocrates, au sein du FDR.

Mais les calculs tactiques de leurs alliés et, surtout, les extrémistes des deux bords — extrême droite militaire et marxistes — incitent à un certain pessimisme. En attendant, c'est toujours la guerre, dont les civils sont les principales victimes : 40 000 morts sans doute, depuis 1979, des centaines de milliers de personnes déplacées.

Jean-Louis Buchet

Argentine

Alfonsín : la victoire de la démocratie

Les élections du 30 octobre marqueront une date dans la vie politique argentine. La très nette victoire du leader de l'UCR (Union civique radicale), Raúl Alfonsín (52 % des suffrages), sur le représentant du Mouvement national justicialiste (péroniste), Italo Luder (40 %), ouvre des perspectives inédites pour ce pays en crise depuis des décennies.

L'armée dans ses casernes

Pour la première fois depuis 1946, l'Argentine échappe à l'alternative armée-péronisme. Par le passé, quand les militaires, affaiblis, quittaient le pouvoir, leur succédaient des régimes civils minoritaires (si les justicialistes ne pouvaient se présenter, comme en 1958 et en 1962) ou des gouvernements péronistes qui ouvraient la voie, à plus ou moins longue échéance, à une nouvelle intervention de l'armée (cas de la présidence d'Isabel Perón, qui sombra en 1976).

Aujourd'hui, l'armée rentre dans ses casernes, plus discréditée que jamais : après la répression de 1976-1980 (quelque 30 000 victimes) et le désastre économique des trois années qui ont suivi, la défaite des Malouines a achevé de déconsidérer l'institution auprès des Argentins.

Les péronistes affaiblis

Si le Mouvement justicialiste conserve des positions importantes, notamment au Sénat, où il est majoritaire, et dans nombre de provinces, où il s'est assuré, le 30 octobre, les postes de gouverneur, il devra apprendre à travailler dans l'opposition au grand jour. Des reclassements seront inévitables : avec une campagne axée sur le culte du souvenir et l'hommage aux absents (Juan Perón, mort en 1974 ; sa première femme Evita, disparue en 1952 ; Isabel, exilée en Espagne depuis deux ans), le parti a montré qu'il n'avait pas pu (ou su) se renouveler. Il a étalé ses divisions avant de refaire une unité de façade autour de Italo Luder, ancien président du Sénat et seule figure présentable, mais peu représentatif du mouvement.