Les agriculteurs et leurs représentants ne sont, donc, pas opposés aux mesures qui permettraient de mieux organiser les productions, de mieux gérer les marchés, d'éviter les trop grandes fluctuations de prix, de renforcer le pouvoir économique des producteurs. Mais ils ne veulent pas s'en remettre à l'État pour y parvenir. Pour eux, organisation et gestion des marchés doivent être assurées par les mandataires des diverses professions intéressées à une production, l'État se bornant à un rôle d'arbitre. Là aussi, prévaut la crainte de l'étatisation, de la bureaucratisation. Et ce n'est pas, seulement, en agriculture qu'elle est ressentie. Francis Lepatre, le président de l'Association nationale des industries agro-alimentaires, l'éprouve aussi. Il demande, même, au ministre de l'Agriculture de renoncer à son projet. Vainement.

Cette inquiétude de l'ensemble de la filière agro-alimentaire est, peut-être, excessive. Mais les professionnels redoutent une administration tatillonne, paralysante, alors que, de plus en plus, ils doivent faire face, tant sur le marché intérieur qu'à l'exportation, à une concurrence aiguë qui implique des réactions rapides, une politique commerciale agressive. Les mois précédents ont montré le dynamisme de l'ensemble de ce secteur. En 1981, il marque, en effet, des points dans les conquêtes de nouveaux débouchés : la balance commerciale se solde par un excédent de plus de 25 milliards. Un record jamais atteint et dont il n'est pas sûr, d'ailleurs, qu'il pourra être égalé en 1982.

Agro-alimentaire

Des succès jugés fragiles

Le changement pour les industries agro-alimentaires s'est concrétisé par la disparition d'une tutelle administrative spécifique : le secrétariat d'État aux Industries agro-alimentaires. Fidèle à sa politique de filières, le gouvernement Mauroy a fait repasser les industries agro-alimentaires sous la tutelle du ministère de l'Agriculture, et c'est André Cellard qui en est nommé secrétaire d'État.

Frein

La stratégie des pouvoirs publics à l'égard des industries et des industriels du secteur a mis cependant un certain temps à être dévoilée, freinant ainsi l'ardeur des industriels dans leur politique d'investissement. Ils seront d'autant plus enclins à la modération que la crise internationale se fait durement sentir : tassement de la demande sur un très grand nombre de produits alimentaires de base, tension sur les prix, politique communautaire toujours en suspens, avec dérapage sur le vin, les produits laitiers, les importations de porcs, de dindes, etc.

Pour autant, les IAA ne se portent pas trop mal. Avec près de 340 milliards de F de chiffre d'affaires en 1981, elles ont remporté un net succès pour l'exportation, qui atteint 60,2 milliards de F. La part de l'industrie dans les échanges agro-alimentaires représente environ 63 %. L'ensemble des exportations de produits bruts et de produits transformés atteint 96,4 milliards et le solde global se monte à 25,4 milliards d'excédents, contre 15,9 milliards en 1980.

Si ce succès est incontestable selon le CFCE (Centre français du commerce extérieur), il reste fragile. Bien que la part des pays extérieurs à la Communauté progresse dans nos exportations (30 % de 1970 à 1979, 46,5 % en 81), et que parmi les clients de la France les États-Unis passent de la huitième à la sixième place, l'excédent agro-alimentaire repose encore trop sur quelques secteurs principaux : céréales et minoterie (21,9 milliards), sucre (6,5 milliards), produits laitiers (8,9 milliards, soit + 41 %), vins et spiritueux, animaux et viandes bovines, volailles. Surtout, la proportion de produits bruts ou peu transformés dans les ventes à l'étranger demeure trop importante, alors que les importations augmentent sur les viandes de qualité, l'alimentation du bétail, la pêche, le tabac.

Priorités

Les pouvoirs publics prônent ainsi des actions sectorielles prioritaires dans les domaines où la France est compétitive, de façon à amorcer la réorientation des échanges vers des produits à forte valeur ajoutée : développement des ventes de vin de table aux États-Unis (jusqu'ici marginales), accroissement des ventes de produits laitiers grâce à une meilleure adaptation au goût des consommateurs étrangers. Et, comme son prédécesseur, le nouveau ministre de l'Agriculture se prononce en faveur d'une politique plus agressive à l'exportation, confortée par le renforcement des implantations industrielles et commerciales à l'étranger.