Il serait également erroné d'attribuer à un environnement spécifique (nouvelle politique socio-économique) la contre-performance de la construction mécanique française en 1981. En effet, l'exercice n'est pas meilleur en Italie (– 2,1 %) ni en RFA (– 3 %). Les États-Unis et le Japon furent seuls, l'an dernier, à afficher des résultats positifs.

Concurrence redoutable

Aucune industrie mécanique nationale ne peut satisfaire en totalité les besoins du marché intérieur, ces besoins étant par nature diversifiés à l'extrême. Les échanges internationaux prennent donc une grande importance pour tous les pays et concernent, en France, la moitié du marché. Que la balance commerciale soit excédentaire dans les pays développés, à industries déjà anciennes, ne surprendra pas puisqu'une demande importante émane désormais des pays en voie de développement, notamment des zones à ressources pétrolières. Mais des évolutions significatives apparaissent.

À peine présents sur le marché mondial il y a dix ans, les Japonais y occupent désormais le deuxième rang derrière les exportations américaines et ont multiplié en 1981-1982 les accords de cessions de licences ou de coproduction avec les partenaires occidentaux. L'Italie profite d'une parité monétaire avantageuse et devient un concurrent redoutable pour la France, en particulier pour les pièces de chaudronnerie destinées aux ensembles industriels. Pour des raisons monétaires inverses, les exportations ouest-allemandes stagnent (à un niveau élevé), mais ces mêmes raisons ne jouent pas aux États-Unis : la hausse du dollar ne parvient pas à contrarier les ventes de matériels et de machines très spécifiques, que l'immense potentiel américain est seul capable de produire.

Contraintes

La France, qui exporte environ la moitié de sa production et importe l'équivalent d'une moitié de sa consommation mécanique (la proportion était d'un tiers il y a dix ans), suit péniblement les grandes mutations de spécialisation qui s'opèrent dans le monde.

En avril 1982, par exemple, Alsthom a abandonné à Leroy-Somer sa fabrication de petits moteurs électriques, mais cette concentration au sein d'un groupe performant ne signifie pas encore qu'elle réponde au mieux aux contraintes du « nouvel ordre économique mondial ». Porteurs d'une faible valeur ajoutée et intégrant peu de matière grise, les petits moteurs standardisés seront aisément concurrencés par des producteurs moins développés, pour lesquels ils représenteront peut-être la chance d'une initiation à l'industrialisation.

La faiblesse générale des investissements productifs en France et en Europe occidentale affecte directement l'activité de la construction mécanique, dont les ménages ne constituent que le dixième de la clientèle. Toutefois, l'exemple japonais dément une liaison trop rigoureuse entre l'investissement national (relativement modéré au Japon) et la tenue des productions mécaniques, lesquelles ont doublé de 1976 à 1981 grâce à leur compétitivité sur les marchés extérieurs. Compétitivité ou disponibilité ?

L'industrie française n'est pas toujours capable de suivre un succès à l'étranger : son potentiel mécanique n'est que le cinquième du japonais, le dixième de l'américain. Les vrais problèmes sont sans doute là. Même l'addition idéale des industries française, italienne, ouest-allemande et britannique équilibrerait à peine la mécanique japonaise. En ce domaine, contaminé par l'électronique et l'informatique et contrôlé par les robots, le monde des années 1980 n'est plus celui des années 1970.

Électronique

De gros efforts sont nécessaires pour se maintenir au niveau mondial

Avec un chiffre d'affaires de 83 milliards de F (qui, en 1981, a progressé de 17,5 % par rapport à 1980), l'industrie française de l'électronique n'a pas réussi à maintenir sa part (environ 3,7 %) d'un gigantesque marché mondial (368 milliards de dollars) qui se développe au rythme annuel de 8,5 % en volume.

On peut diviser l'électronique en trois sous-secteurs : les biens d'expression (radiorécepteurs, téléviseurs, chaînes hi-fi, magnétoscopes), les biens d'équipement (électronique militaire, radars, caméras de télévision, téléphone, informatique, radiologie, appareils de mesure et de contrôle) et les biens intermédiaires (tubes électroniques, semi-conducteurs, composants passifs).

Détérioration

Pour les biens d'expression (appelés également matériels grand public), la France subit une concurrence internationale très vive. Elle n'exporte guère que le cinquième d'une production nationale évaluée à 5,5 milliards de F, et elle importe pour plus de 6 milliards de F de marchandises. Pour certains produits comme les magnétophones, les magnétoscopes ou les chaînes hi-fi, elle importe même la quasi-totalité de sa consommation. D'où le mot d'ordre de reconquête du marché intérieur lancé depuis mai 1981 par le gouvernement socialiste. C'est le groupe Thomson-Brandt qui est chargé de relever ce pari audacieux. Difficile entreprise, car les Hollandais, les Allemands, les Américains et surtout les Japonais font la loi sur le marché. Depuis plusieurs années, la balance commerciale biens d'expression ne cesse de se détériorer, et on voit mal comment la tendance actuelle pourrait s'inverser.

En pointe

Dans le domaine des biens d'équipement, la France jouit au contraire d'une position très favorable. D'abord, au niveau du volume d'activité : 66 milliards de F de chiffre d'affaires en 1981. Ensuite, au niveau de la compétitivité : le solde commercial est nettement positif. Parmi les biens d'équipement, ce sont les matériels professionnels (essentiellement militaires) qui ont le vent en poupe ; sur ce créneau précis (19 milliards de F), le champion français est la société Thomson-CSF, spécialisée dans les radars et les relais hertziens. Ses exportations se développent proportionnellement aux dépenses mondiales d'armement, ce qui est une bonne garantie d'expansion. Autre grande catégorie de biens d'équipement : l'informatique. Grâce notamment à la CII-Honeywell-Bull et à IBM-France, la France réalise là un chiffre d'affaires de 26 milliards de F (en forte progression), et sa balance commerciale est presque équilibrée. Quant à l'industrie du téléphone (15 milliards de F), elle est condamnée à une quasi stagnation, à cause de la saturation progressive du marché intérieur et des obstacles importants rencontrés à l'exportation. D'où de redoutables problèmes d'emploi.

Stagnation

Le troisième sous-secteur (biens intermédiaires) a connu en 1981 une régression en volume puisque son chiffre d'affaires (11,5 milliards de F) n'a pratiquement pas augmenté. Pourtant, la demande augmente, mais ce sont principalement les importateurs qui en profitent.