Édith Cresson pare au plus pressé. Elle ferme les frontières aux vins italiens ; elle limite les achats de fruits et légumes à l'étranger et fait procéder à des retraits de produits pour réduire l'offre.

Ces accidents la confirment dans son intention de réformer l'organisation des marchés. Elle annonce que les premiers offices verront le jour dans le secteur viticole et dans celui des fruits et légumes.

Stagnation

Ces crises sectorielles ne sont, cependant, pas significatives de l'évolution générale de la production agricole. Globalement, l'année 1981 est une année de stagnation. Après trois campagnes caractérisées par un fort accroissement du volume des récoltes, la production agricole stagne. Les livraisons de céréales, de pommes de terre, de fruits reculent. En revanche, les betteraviers battent tous leurs records : jamais la production sucrière française n'aura été si importante. De même, les récoltes d'oléagineux métropolitains (colza, tournesol) et de protéagineux (pois et féveroles) progressent ; les encouragements à ces cultures, décidés pour favoriser le développement de ressources nationales destinées à l'alimentation animale, portent leurs fruits. Ce n'est pas un mal : avec la généralisation des méthodes modernes d'élevage, la France est devenue largement dépendante de l'étranger, en particulier du Brésil et des États-Unis qui fournissent les tourteaux de soja nécessaires à la fabrication des aliments équilibrés pour les animaux. Et, pour la première fois, en 1981 la consommation de tourteaux de soja amorce une légère décrue. Par contre, les récoltes de fruits et légumes et les vendanges sont en sensible recul. Au total, on observe une diminution des productions végétales.

Dans le secteur animal, il n'en va pas de même. Si la production laitière se révèle pratiquement stagnante, la production de viande, elle, a augmenté de façon non négligeable. Les progrès sont particulièrement nets dans les secteurs des gros bovins, des porcins et des volailles. Par contre, le recul de la production de viande de cheval continue. Et c'est la stagnation dans le secteur ovin, bien que la demande augmente : un phénomène dont les éleveurs britanniques ne manquent pas de tirer parti. En fait, la consommation de porcs et de moutons s'accroît en compensation de la baisse de la demande en viande de veau, dont le marché se ressent encore du boycott de l'automne 1980 lancé par l'UFC (Journal de l'Année 1980-81).

Charges

Dans l'ensemble, la production agricole d'une année sur l'autre n'augmente pratiquement pas. Mais les prix se tiennent mieux. En moyenne, ils progressent de quelque 10 %. Cela ne suffit pas à assurer le relèvement du revenu des agriculteurs. Les charges d'exploitation, en effet, montent plus vite que les prix à la ferme : leur hausse est évaluée à 13,3 % en moyenne. L'estimation que la Commission des comptes de l'agriculture fait, à l'automne, des revenus des exploitations confirme, d'ailleurs, que leur dégradation se poursuit. Et le troisième rapport établi par le CERC constate que les agriculteurs constituent la seule catégorie socio-professionnelle dont le revenu est, en termes réels, en baisse depuis dix ans.

On discute, évidemment, sur l'importance de la détérioration du revenu agricole. Pour les représentants de la profession, la baisse est de l'ordre de 13 %, alors que les calculs officiels le chiffrent à 3,1 % et même, quelques mois plus tard, en avril 1982, à 0,5 %. L'écart est important. Il s'explique, essentiellement, par un désaccord sur les éléments à prendre en compte pour apprécier les revenus de 1980 et 1981. Une querelle vaine.

Le gouvernement a, en effet, pris ses décisions. Au début de décembre, il en fait part aux représentants des organisations agricoles réunis pour la traditionnelle Conférence annuelle, ce rendez-vous où, chaque année, les dirigeants professionnels de l'agriculture font le point de la situation avec leur ministre de tutelle et le Premier ministre. Pierre Mauroy a tranché. Pour assurer, comme promis par le président de la République, « le maintien du pouvoir d'achat des agriculteurs », le gouvernement dégage 5,566 milliards, dont une bonne partie — la moitié en gros — prélevée sur les excédents accumulés par le Crédit agricole. Un prélèvement qui fait quelque peu grogner dans les organisations agricoles où l'on estime que l'on prend de l'argent qui appartient aux agriculteurs pour les dédommager de leurs pertes.