Contrairement à ses prédécesseurs, il est passé des paroles aux actes à travers un vaste plan dont les grandes lignes ont été annoncées fin 1981 et les modalités pratiques d'application précisées à a mi-1982. Ce plan vise essentiellement à protéger l'industrie du dumping étranger et à alléger les charges des entreprises.

Contrôle des importations : d'abord les douaniers se livrent à des contrôles très minutieux. Ils refoulent les contingents excédentaires en provenance de pays régis par l'accord multifibre (que le gouvernement français a d'ailleurs réussi à faire renouveler selon la ligne dure qu'il avait fixée) et tentent de débusquer tout « détournement de trafic », c'est-à-dire tout tissu ou vêtement faussement baptisé made in Italy ou in Belgium.

Ensuite, vis-à-vis de pays associés à la CEE, comme la Turquie ou la Grèce, et donc libres à ce titre de nous livrer les quantités qu'ils veulent, on a également adopté une attitude plus ferme.

Des centaines de milliers de chemises turques ont été ainsi retournées à leurs expéditeurs. De 1980 à 1981, les importations de chemises turques étaient passées de 549 000 à 1,950 million de pièces. Depuis le 16 avril 1982, elles ont carrément été suspendues.

Allégement provisoire des charges sociales : 12 points de cotisations en moins pour les entreprises qui créent des emplois, 10 points de moins pour celles qui investissent. Une opération dont le coût a été estimé à 2 ou 3 milliards de F à la charge du budget de l'État, mais qui aide à la reconstitution de la situation financière de cette industrie de main-d'œuvre, qui emploie 290 000 personnes mais en a perdu 20 000 en 1981.

Ballon d'oxygène

L'industrie du textile a ainsi reçu un ballon d'oxygène au moment où, sous l'effet de l'augmentation du pouvoir d'achat en 1981, la consommation textile des Français repart. Pour la première fois depuis cinq ans, la production de cette industrie risque en effet de progresser en 1982.

À point nommé ou bien trop tard ? On peut parier qu'un certain nombre d'entreprises moyennes, dynamiques, sauront tirer parti du répit qui leur est offert. Le vrai problème du textile français, c'est qu'il est malade de la tête. Tous nos grands groupes sont en effet en difficulté.

La Lainière de Roubaix a été sauvée du désastre en 1980, grâce à sa fusion avec Prouvost SA, une affaire de négoce international relativement prospère, à laquelle elle était liée. L'ensemble fusionné ne se porte pas mieux, tant s'en faut.

Dollfus Mieg, respectable groupe cotonnier, se remet difficilement d'une série d'exercices déficitaires. Maurice Bidermann prospère outre-Atlantique mais souffre d'effectifs en surnombre en France.

Quant à Boussac-Saint-Frères, le groupe des frères Willot a été sauvé une fois de plus du naufrage. En l'absence d'un repreneur industriel — on se demande bien lequel ? —, le gouvernement a dû se résoudre à une sorte de commandite publique, la solution la plus proche, à vrai dire, de la nationalisation.

Subventions

Ce sont en effet quatre grandes banques désormais toutes publiques — le CCF, la Société Générale, le Crédit Lyonnais et la BNP —, conduites par l'IDI dont 100 % du capital appartient maintenant à la collectivité (contre moins de 50 % en 1981), qui ont été chargées de constituer la société destinée à reprendre Boussac-Saint-Frères en location-gérance. Une solution qui permet de reprendre la gestion sans avoir à prendre en charge les dettes passées.

À la tête de ce dispositif, il fallait un chef. Après trois mois de recherches infructueuses, c'est finalement René Mayer, l'ancien patron de l'Institut géographique national, mis sur la touche par Michel d'Ornano, qui accepte, sous la pression discrète de Pierre Dreyfus, de prendre les commandes.

Ignorant tout du textile, décidé à ne pas heurter de front les syndicats, il aura fort à faire pour redresser une entreprise dont les effectifs en surnombre sont d'environ 2 000 personnes et dont le dossier juridique reste épineux.

René Mayer a, en tout cas, l'assurance de disposer de munitions importantes : plus de 1 milliard de F que les banques et l'État sont prêts à mettre sur la table pour se retirer cette épine douloureuse du pied.