Le scrutin, dont les résultats sont contestés par l'opposition, est l'occasion de violents désordres, au cours desquels quatre personnes au moins trouvent la mort à Bangui. L'état de siège est décrété sur l'ensemble du territoire, car l'agitation a gagné plusieurs villes de province dont Bossangoa, Bozoum et Pahoua.

Protection

À aucun moment, les troupes françaises qui, dans le cadre de l'opération Barracuda stationnent dans la capitale et à Bouar, base militaire française datant de l'époque coloniale, ne sont intervenues pour rétablir l'ordre. C'est au général Sana, ministre de l'Intérieur, chef d'état-major, qu'incombe cette tâche ; sa fermeté sans faille contribue au succès de D. Dacko dans l'épreuve de force engagée avec ceux qui récusent son élection.

En revanche, c'est l'armée française qui a assuré la protection des installations de l'aéroport international de Bangui-Mpoko, sur lequel tout mouvement a été suspendu durant quatre jours, par suite de la tension qui régnait dans la capitale. Ce sont également des parachutistes français qui, avec deux Transall et deux hélicoptères, ont évacué une partie de la population européenne de Bossangoa qui estimait sa sécurité menacée.

Popularité

David Dacko a été élu avec 50,23 % des suffrages exprimés, ce qui lui laisse une faible marge de manœuvre. Néanmoins, le gouvernement qu'il constitue, le 4 avril 1981, et dont la présidence est confiée à Simon Narcisse Bozanga, ancien collaborateur de Bokassa Ier, ne comprend aucun représentant de l'opposition.

Pourtant, Ange Patasse, qui fait de plus en plus figure de leader des opposants, a obtenu 38,11 % des suffrages exprimés, et les résultats témoignent de l'étendue de sa popularité tant à Bangui que dans les deux districts de l'Ouaham et de l'Ouaham-Pende, peuplés de Sara, son ethnie d'origine. Bien qu'il ait été treize fois ministre et avant-dernier Premier ministre de Bokassa Ier, bien qu'il ait joué un rôle personnel important dans la mascarade du sacre, Ange Patasse est considéré comme le candidat du refus.

Vaincus

Sa campagne, fortement empreinte d'hostilité à l'égard de Giscard d'Estaing, a séduit. Il a habilement tiré profit des maladresses commises à son égard par la France, qui tenta de l'empêcher de rejoindre Bangui en octobre 1979, et par David Dacko, qui l'emprisonna sans jugement (Journal de l'année 1979-80). Le président élu devra désormais compter avec un homme qui a l'intelligence, après l'élection, de chercher à se démarquer des xénophobes obsessionnels. C'est en effet en partisan de la collaboration avec la France que ne cesse de se présenter Ange Patasse.

François Pehoua, qui, avant l'élection, avait un moment été considéré comme le dauphin de David Dacko, a obtenu 5,33 % des suffrages exprimés. Il semble qu'il ait, avec les deux autres candidats arrivés en tête, bénéficié de la fraude. Celle-ci a été importante et a contribué, avec l'inorganisation à peu près générale, à fausser les résultats du scrutin.

Haut fonctionnaire, spécialiste des questions financières, réputé modéré, présenté abusivement comme un des familiers de Giscard d'Estaing à l'époque où ce dernier était ministre des Finances, François Pehoua s'engage, après le scrutin, dans une politique de surenchère démagogique fortement teintée de xénophobie.

Ancien vice-président de la République après le rétablissement de David Dacko au pouvoir, dernier Premier ministre de Bokassa Ier, Henri Maïdou n'a recueilli que 3,23 % des suffrages exprimés. Il est très impopulaire depuis la révolte des lycéens et des étudiants, dans laquelle il nia que l'ancien empereur ait été impliqué. En dépit de son adresse et de son intelligence, que redoute David Dacko, il se trouve rejeté dans l'opposition, mais privé de troupes.

Le grand vaincu de l'élection présidentielle est le Dr Abel Goumba, en faveur duquel ont voté à peine plus de 10 000 personnes. Avec 1,42 % des suffrages exprimés, cet ancien vice-président du conseil de gouvernement de l'Oubangui-Chari (ancien nom du Centrafrique) fait figure d'oublié.