L'Algérie, en principe, ne compte plus de détenus politiques dans ses prisons. Est-ce suffisant pour liquider les séquelles du passé ? Sans doute. Mais de nouveaux problèmes, culturels et économiques, se posent avec acuité.

L'arabisation entreprise dans l'enseignement, puis dans la vie courante et l'administration ne s'opère pas sans difficulté. À l'automne, on décide d'arabiser l'état civil ainsi que la première année de sciences sociales et politiques à l'université.

Alger redevient El-Djezaïr

Conformément à un lexique publié le 31 mai 1981 par le journal El Moudjahid, les villes, villages et communes qui avaient gardé une connotation française ont été algérianisés. Certaines villes retrouvent leur appellation d'origine, en arabe classique : Alger redevient El-Djezaïr (« les îles »), Oran renaît en Wahran, Blida en El-Boulaïda, et Mascara en Mouaskar (« camp retranché »). D'autres agglomérations — comme Constantine qui devient Qacentina — se soumettent aux impératifs de l'arabe populaire algérien. Nombre de localités sont berbérisées. C'est le cas de Médéa, métamorphosée en Lemdiyya, Tlemcen en Tilimsen, El-Asnam en Ech-Cheliff.

Kabyles

Ce progrès suscite des réactions des professeurs algériens francisants, qui refusent d'être les assistants de leurs collègues orientaux — iraqiens, syriens ou jordaniens — dont le nombre croît sans cesse (ils sont 200 en 1980 contre 30 en 1979), et qui accusent l'enseignement nouveau de véhiculer une idéologie non algérienne.

L'arabisation progressive de la société apparaît pourtant insuffisante aux étudiants arabisants, qui se plaignent de manquer de débouchés dans une Algérie qui demeure très largement francophone.

En face, et sans doute en réaction à l'arabisation, se développe toujours une contestation kabyle de plus en plus large et organisée. Les deux points chauds sont Tizi-Ouzou et Bejaia, où se produisent des grèves et parfois des heurts violents entre la population et la police. Un séminaire réunit à Yakouren, en été 1980, des intellectuels, des enseignants et des écrivains qui essaient de mieux définir le fait kabyle et d'explorer sa richesse populaire.

À Tizi Ouzou et à Alger, on enseigne le kabyle de manière sauvage. De grandes grèves ont lieu à Tizi-Ouzou en mars 1981. Le gouvernement s'efforce de faire des concessions, en autorisant notamment des émissions en kabyle et en libérant les animateurs du mouvement kabyle arrêtés l'année précédente. Mais le malaise subsiste. En fait, l'Algérie est surtout à la recherche de son identité : est-elle berbère, arabo-islamique, ou plus simplement algérienne ?

Catastrophe

Le pays se retrouve pourtant uni pour faire face à une catastrophe naturelle sans précédent : le 10 octobre 1980, à 13 h 30, une première secousse tellurique fait trembler la terre à El-Asnam (ex-Orléansville), avec une magnitude de 7,5 sur l'échelle de Richter (qui en compte 9). L'effet est désastreux, encore amplifié par une seconde secousse à 16 h 40. C'est toute la ville (125 000 habitants) qui est pratiquement détruite.

Malgré la promptitude des secours et le vaste mouvement de solidarité internationale aussitôt déclenché, les pertes et les dégâts sont énormes : après une semaine de déblaiements, dans des conditions dramatiques, on finit par dénombrer environ 6 000 morts, tandis que plus de 300 000 sinistrés demandent des secours urgents.

Visions de cauchemars : des charniers sont découverts chaque fois qu'une grue soulève une dalle. Autour de la ville, des villages entiers sont complètement détruits, et les secours n'y arrivent que très difficilement, car la terre, longtemps après, continue à trembler. Malgré l'aide internationale et la solidarité des pays voisins, les pertes seront lourdes : on les estime à environ 30 milliards de dinars. Un poids supplémentaire pour une économie déjà en difficulté.

L'économie algérienne tente, par divers biais, de rétablir ses équilibres compromis par une trop grande concentration de l'industrie et de l'énergie : le pétrole et le gaz représentent 98 % des recettes d'exportation, mais les sociétés nationales fonctionnent mal, le marché n'est pas normalement approvisionné, le commerce de détail souffre.

Impasse

Le plan quinquennal, examiné en juin 1980 par le congrès de FLN, va s'efforcer de corriger ces déséquilibres, et, dès le mois de décembre 1980, les biens de consommation arrivent sur le marché, en particulier l'électroménager.