En janvier 1977, la publication très tardive (et peut-être pré-électorale) d'un rapport rappelle la condamnation à 15 ans de prison de l'ex-directeur général du ministère des Finances, Mikhaël Tsour. Le mois suivant, est condamné à 110 000 F d'amende et 5 ans et demi de prison le directeur général de la Caisse de maladies de la richissime centrale syndicale, l'Histadrouth, Asher Yadlin, que le gouvernement venait de nommer gouverneur de la Banque d'Israël. Auparavant, il avait entraîné dans sa chute un vieux compagnon, protégé comme lui du défunt ministre des Finances Pinhas Sapir, chef de l'appareil du Parti travailliste : le ministre du Logement, Abraham Ofer, qui, ne supportant plus les dénonciations, se suicide au début de janvier. On lui fait quand même des obsèques nationales, mais Asher Yadlin, ayant affirmé pendant son procès que le mouvement travailliste au pouvoir a largement bénéficié de ses détournements, le Premier ministre Itzhak Rabin laisse échapper : « C'est une affaire accablante pour mon parti. »

Sans doute sent-il déjà que lui échappent quelques atouts du coup de poker qu'il a lancé en décembre 1976 pour tenter de gouverner un pays de plus en plus ingouvernable depuis le traumatisme de la guerre du Kippour, vieux de trois ans.

Entre l'inflation galopante de près de 35 % et la dévaluation rampante de 24 % par an (il faudra encore dévaluer la livre de 2 %, fin décembre) une nouvelle réduction de subventions fait encore monter les prix en novembre : de 11 % pour les carburants et de 20 % pour le pain, les matières grasses, les œufs et les produits laitiers.

Les grèves se succèdent presque sans interruption, saignant le pays et démontrant l'absence d'autorité de la vieille centrale syndicale unique, l'Histadrouth, hier toute-puissante. « Le surpeuplement des prisons, affirme leur gouverneur général, atteint des limites intolérables. À peine plus de 2 m2 par personne en moyenne. Moins de 1 m2 à Hébron. » Les grèves de la faim s'y succèdent pendant des mois. Dans le même temps, les fanatiques religieux juifs, fondateurs de colonies sauvages, s'acharnent à jeter de l'huile sur le feu dans les territoires occupés, en perpétuelle ébullition. Notamment à Hébron, où mosquée et synagogue sont profanées.

Coup de poker

Alors, Itzhak Rabin, auquel on reproche de ne pas gouverner, imagine une tactique éclair, qui rappelle aux commentateurs son passé de stratège, de chef d'état-major général pendant la guerre de Six-Jours. Le point de départ est à peine croyable : reprochant au gouvernement d'avoir organisé la réception des premiers avions américains F15 trop tard pour permettre aux invités de rentrer chez eux avant le coucher du soleil du sabbat, les religieux orthodoxes du Front de la Thora déposent une motion de censure ! Itzhak Rabin contre-attaque, exclut du gouvernement 3 ministres du Parti national religieux, refuse la démission de 2 ministres libéraux du Likoud pris de vitesse par le gouvernement qui démissionne en bloc. Devenant ainsi un gouvernement de transition aux mains beaucoup plus libres, jusqu'aux élections anticipées (que doit provoquer la Knesset en votant sa dissolution sans attendre l'expiration de son mandat à la fin de l'année).

Itzhak Rabin gagne cette première manche, puis la deuxième : avec, sur 2 800 votants, 41 voix de plus que son ministre de la Défense, Shimon Perès, il est désigné par le Parti travailliste comme futur Premier ministre et leader des élections fixées au 17 mai.

Malheureusement pour lui qui représente la continuité, le changement semble être le mot clé le plus efficace auprès d'un électorat fatigué d'une équipe qui gouverne depuis presque 30 ans. De nombreux travaillistes désertent même le parti pour entrer au nouveau Mouvement démocratique pour le changement (le DASH) de l'archéologue Ygaël Yadin, ex-chef d'état-major (lui aussi) au moment de la guerre d'indépendance. Avec ses 15 sièges qui expliqueront la chute des travaillistes de 51 à 32, le DASH se retrouve donc arbitre, à la charnière entre majorité et opposition, mais il refuse de participer à un gouvernement qui rejette a priori certaines concessions en échange de la paix.