Cela, on ne le saura que le 17 février, dix-huit jours après la disparition de Philippe. Pendant plus de deux semaines. Patrick Henry va encore tenter de toucher la rançon exigée. À plusieurs reprises, le père, la mère et le grand-père de Philippe lancent de pathétiques appels à la radio et à la télévision. « La police ne sera pas au courant du moindre contact qui pourrait être pris », dit le père de Philippe. Contact est pris, en effet, par l'intermédiaire du curé de Pont-Sainte-Marie, où résident les Bertrand. Patrick Henry est aperçu rôdant à plusieurs reprises en voiture près de l'endroit où les Bertrand ont déposé la rançon.

La police l'arrête une première fois le 13 février, mais, faute de preuves, le relâche après quarante-huit heures de garde à vue. Patrick Henry joue alors les vedettes, accordant plusieurs interviews, affirmant notamment que « le ravisseur de Philippe mérite la mort ». Ensuite on perd sa trace.

Quatre jours plus tard, les policiers, qui ont entrepris de faire du porte-à-porte, la photo de Patrick Henry à la main, découvrent sa retraite : on l'interroge ; il nie d'abord, puis déclare subitement aux inspecteurs qui fouillent sa chambre : « Ne cherchez plus, le gosse est là, sous le lit. » Le jeune homme s'apprêtait à faire disparaître le corps.

En prison. Patrick Henry passera des aveux complets, d'abord à l'un de ses geôliers, puis au magistrat instructeur.

Mais l'affaire de Troyes a pris une ampleur qui le dépasse. Dès qu'est connue la nouvelle de son arrestation et de la mort du petit Philippe, des voix s'élèvent pour réclamer la mort. Plusieurs ministres interviennent en ce sens. L'avocat choisi par Patrick Henry à Troyes se récuse « pour raisons personnelles ». Aucun de ses confrères du barreau de Troyes n'est commis d'office. C'est finalement un avocat de Chaumont qui accepte de défendre celui qu'on appelle « le monstre de Troyes ».

Dans la ville, des pétitions circulent pour l'application de la peine de mort et contre le droit de grâce présidentiel. Le jour des obsèques de Philippe Bertrand, Troyes ressemble à une ville morte.

La peine de mort devant l'opinion

On sait que la France est, avec l'Espagne, le seul pays d'Europe occidentale où la peine de mort soit encore appliquée. Ses détracteurs la considèrent comme la survivance de méthodes archaïques n'ayant aucune valeur d'exemplarité ; ses défenseurs rétorquent qu'une peine de détention est sans commune mesure avec certains forfaits et que son abandon déclencherait immanquablement une recrudescence de la criminalité.

C'est, sans doute, lorsque des adolescents se trouvent impliqués dans des affaires criminelles que l'opinion publique s'émeut et s'exprime avec le plus de virulence. Deux exemples l'ont montré en 1975 : le 15 octobre Jacky Pietkewicz, 25 ans, jugé pour avoir tué, trois ans plus tôt, l'assassin de son père, est condamné à une peine de principe : deux ans de prison avec sursis : le public réclamait l'acquittement.

Quelques mois plus tard, Bruno T..., qui avait, à 17 ans, tué une vieille dame pour la voler, est condamné à mort puis gracié par le président de la République. Une partie importante de l'opinion s'insurge contre ce qu'elle considère comme une indulgence injustifiable, susceptible d'encourager la délinquance et la criminalité.

Rappelons les faits. Dans les deux cas il y a eu meurtre avec préméditation. Évidemment les motivations ont été totalement différentes. Dans le premier cas, un garçon de 22 ans que l'assassinat de son père a bouleversé. Apprenant que la reconstitution du crime va avoir lieu, il s'y rend après avoir pris, chez lui, un couteau qu'il cache sous son chandail. Il voit le meurtrier, Alain Grenouille, petit voyou de 18 ans, mimer avec complaisance le forfait qu'il a accompli comme une farce. Jacky ne peut pas supporter ce spectacle. Il se précipite et frappe, mortellement.

Bruno T... avait un peu plus de 17 ans lorsqu'en compagnie de trois petits malfrats de son âge il a tué une vieille dame de Liancourt dans les circonstances les plus sordides, les plus atroces. Après avoir mis à sac toute la maison et volé une centaine de francs, il réalise que sa victime, qu'il a simplement attachée, le connaît et va le dénoncer. Alors, il la traîne dans la cave et la tue, à coups de couteau. Arrêté, il ne manifeste aucun remords, se contentant de répéter : « Vous ne pouvez pas me tuer ; je suis mineur. » Il fera preuve d'un tel cynisme que les jurés le condamneront à mort. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Ce sera le premier recours en grâce soumis à Valéry Giscard d'Estaing. Personne ne doute de la décision. Effectivement, la peine de mort est commuée en réclusion perpétuelle.