Si le gouvernement français s'est montré réticent pour la prise de contrôle de LU-Brun, il favorise en revanche les prises de contrôle dans la branche de la conserverie de viande-salaison et de la transformation des viandes ; là où les structures demeurent dispersées et où de grands besoins d'investissements se font sentir.

Lyons a ainsi successivement pris le contrôle des établissements Le Rosemont et de Reybier, tandis que d'importantes prises de participation ont été réalisées par Ficht Lovell (Salaisons du Vexin), Robertson (Peny) et Liebig (Omond).

Les grands groupes français qui, telle la GS Nord, se sont diversifiés depuis peu dans ces productions ont marqué le pas. Tout comme les grands spécialistes Olida-Caby, Geo, Dot et Fleury-Michon, les diversifiés ont eu à pâtir de la pénurie de viande et de la hausse rapide des prix des matières premières qui entrent dans la fabrication des produits à base de viande.

Des situations de quasi-monopole se sont créées sur certains marchés de l'industrie laitière (lait concentré sucré, poudres infantiles, produits diététiques, notamment).

Cela est particulièrement flagrant avec la fusion de deux sociétés suisses : Nestlé et Ursina. Face à un rapprochement d'une telle ampleur, les petites et moyennes entreprises demeurent à l'écart de toute véritable réorganisation, et l'industrie laitière reste composite et dispersée. La mésentente persistante entre Perrier et Bel devrait se traduire prochainement par le démantèlement du groupe Genvrain, qui a enregistré 28 millions de F de pertes. À moins qu'il y ait, là aussi, une solution britannique, comme cela a été le cas pour les fromageries Hutin, qui ont dû, à cause de leurs difficultés financières, se livrer à Express Dairy, l'un des deux grands de l'industrie laitière britannique.

Dans le secteur sucrier, bien regroupé et qui se diversifie, le regroupement Beghin-Say réalisé à la barbe du géant britannique Tate and Lyle, démontre en revanche la vitalité de certains secteurs. Vitalité encore confirmée par le rapprochement de la Générale sucrière avec Lebaudy-Sommier et l'Union sucrière de l'Aisne, qui devient ainsi le deuxième sucrier français et le troisième au plan européen.

Dans le secteur de la brasserie, on assiste à un règlement de situations entre continentaux. Le lyonnais BSN absorbe l'Européenne de brasserie dont il avait le contrôle depuis 1970, tandis que le néerlandais Heineken s'implante très solidement en France par sa prise de contrôle du troisième brasseur français : le groupe AIBRA.

Une timide et unique manifestation de l'Institut de développement industriel (l'IDI) – à qui le gouvernement avait confié comme mission de voler au secours des sociétés françaises candidates à l'expansion – a permis la naissance d'un nouveau groupe brassicole : Pelforth, sous la direction des Brasseries du Pélican.

Pour être juste, il faut en effet reconnaître encore à l'IDI son intervention financière modeste dans la pâtisserie industrielle aux établissements BOHAT.

Dans la chocolaterie-confiserie, 1972 a vu le dénouement attendu de la prise de contrôle pourtant judiciairement contestée de Cémoi par le conglomérat américain Di Giorgio.

Dans les corps gras, le groupe Lesieur a connu jusqu'au début de 1973 une mésentente entre les actionnaires de la famille, qui s'est finalement traduite par l'entrée dans le capital de la BANEXI, filiale de la BNP, et par la démission de 6 directeurs. Lesieur a ensuite décidé de revenir à sa vocation première : les corps gras, et s'est séparé de sa branche plastique, puis de sa branche plats cuisinés (SAPAL).

Ce panorama de l'activité du secteur des Industries agricoles et alimentaires serait incomplet si l'on ne mentionnait pas les premiers rapprochements de groupes polyvalents. La Générale occidentale de James Goldsmith s'est en effet associée, pour promouvoir le développement européen de la Générale alimentaire, directement avec cette dernière, sa filiale britannique Cavenham et la Compagnie du Nord sous le contrôle d'Élie de Rothschild.