Ce n'est pas que l'ancienne politique d'entraves aux libertés religieuses et culturelles des juifs ait cessé d'être appliquée. Les procès pour sionisme continuent. Ceux de Leningrad, Kichinev et Riga notamment ont vu des juifs frappés de lourdes peines de prison. Tout au long de l'année les communautés juives n'ont cessé de manifester leur solidarité à leurs frères d'Union soviétique. Les interventions par la voie diplomatique ont été nombreuses aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en France. La visite de L. Brejnev en France (octobre 1971) a été l'occasion d'importantes manifestations de masse. Un groupe d'étudiants juifs s'est enchaîné sur un navire soviétique au Havre. En Grande-Bretagne, le grand rabbin d'Angleterre est allé porter spectaculairement du pain azyme à l'ambassade d'URSS. Des envois de pain azyme ont d'ailleurs été effectués depuis divers pays. Pour la première fois, la plus importante association cultuelle de France, l'Association consistoriale israélite de Paris, a lancé parmi ses fidèles un appel dans ce sens, et connu un vif succès. En Union soviétique même, où de nombreux juifs ont affirmé par divers moyens leur attachement au judaïsme et où un journal juif clandestin, Exodus, est apparu, la mort du grand rabbin de Moscou accentue encore le vide spirituel dans lequel vivent les communautés.

D'autres communautés menacées ont vu leur situation s'améliorer. C'est le cas notamment de celle d'Irak et surtout des derniers juifs égyptiens qui ont pu, avec leur grand rabbin, quitter l'Égypte grâce à l'action du gouvernement français. En revanche, la situation des derniers juifs de Pologne, soumis à la pression d'une psychose antisioniste d'une rare intensité, reste très préoccupante pour les communautés juives.

Une concertation planétaire

Le besoin de définir une politique commune face aux trois grands problèmes de l'heure : rapports de la Diaspora avec Israël, défense des communautés juives menacées, promotion de la culture et de la foi juives, explique le nombre croissant de colloques internationaux tenus cette année : Conseil européen des services communautaires à Rome, Conseil international pour les questions sociales (INTERCO) à Londres, Séminaire de l'union mondiale des étudiants juifs aux États-Unis, Congrès mondial des rabbins et Mouvement sioniste à Jérusalem. Ce dernier avait entrepris une vaste action de propagande autour du Programme de Jérusalem, un manifeste qui proposait de renouveler l'action sioniste dans le monde et de promouvoir la culture juive. Les élections eurent lieu dans chaque pays. En France, plus de 30 000 adhérents y participèrent, mais le congrès, qui fut perturbé par les Panthères noires, ne semble pas avoir résolu les diverses crises idéologiques ou de structure que connaît ce mouvement.

Une année consistoriale

En France, les deux grands organismes représentatifs de la communauté juive, le Consistoire central et le Consistoire israélite de Paris, ont été fréquemment au cœur de l'actualité. Le premier a organisé un colloque remarqué sur le thème : Le Consistoire, moteur de la communauté. Il s'agissait d'une véritable remise en question des rapports de la communauté traditionnelle et des fidèles. Une politique nouvelle y fut décidée, qui tiendrait compte davantage que jadis des véritables centres d'intérêt des communautés. De nouveaux centres communautaires ont également été inaugurés à Cannes et à Nîmes.

Quant au Consistoire israélite de Paris (ACIP), il fut durant plusieurs semaines sous les projecteurs de l'actualité à propos du problème de l'abattage rituel. Un conflit l'oppose à une association de bouchers (l'ACINAP), qui faisait procéder à un abattage rituel parallèle que le tribunal rabbinique avait toujours invalidé. La bonne foi de certains fidèles était surprise. Une action judiciaire avait été intentée par l'ACIP depuis plusieurs années, qui avait abouti à diverses condamnations de l'ACINAP. Ce conflit, qui avait des incidences graves sur le fonctionnement des abattoirs de La Villette, finit par exiger l'intervention des pouvoirs publics et l'ACIP obtint gain de cause.