Il reste à signaler un dernier événement qui n'est d'ailleurs pas étranger à cette situation. Il s'agit de la complète transformation de la vénérable Société des missions évangéliques de Paris (SMEP), en novembre. L'autonomie des jeunes Églises fondées par cette société précéda celle de leurs peuples, mais la découverte d'identité culturelle des peuples de couleur est allée si vite, notamment au cours des derniers mois, qu'il était devenu impensable que quelque directive émane encore d'Europe ou d'Amérique. C'est donc, là encore, sous la poussée de l'évolution du monde que s'est opérée cette transformation à laquelle la fraction fondamentaliste a souscrit avec une visée d'avenir tout autre que celle de chrétiens prenant au sérieux non seulement ce qu'on nomme la révolution culturelle, mais surtout la recherche d'une authentique incarnation du peuple de Dieu, maintenant et dans chaque lieu.

La société des missions évangéliques de Paris

Fondée en 1822, à l'instigation des sociétés de Londres et de Bâle, pour pallier la carence missionnaire des Églises, la Société des missions évangéliques de Paris (SMEP), déjà interconfessionnelle et internationale, est à l'origine de plusieurs jeunes Églises devenues autonomes entre 1957 et 1963 en Afrique noire, à Madagascar et en Océanie. En novembre 1971, la SMEP a cédé la place à une Communauté évangélique d'action apostolique où les responsables de 23 Églises d'Europe, d'Afrique, de Madagascar et d'Océanie siègent à part entière. La SMEP n'est plus que le Département missionnaire français dépendant de cette communauté internationale et multiraciale. Le président de la communauté est suisse, le secrétaire général malgache, et le secrétaire, polynésien.

Œcuménisme

Au cours de la période 1971-72, l'œcuménisme n'a pas marqué le pas. Il s'est manifesté plutôt de manière différente que par le passé.

Selon une habitude prise, la plupart des manifestations ecclésiastiques se sont tenues en commun ou avec des observateurs, à l'exception du 3e Synode épiscopal de Rome. Ainsi en a-t-il été, par exemple, du Congrès de patristique, sur le thème : le retour aux Pères, en septembre 1971, à Oxford ; de plusieurs assemblées d'épiscopats, des grands synodes protestants, du Comité œcuménique français du livre religieux (février 1972) dans le cadre de l'Année internationale du livre ; de la Conférence mondiale de la commission théologique Foi et Constitution — un des trois mouvements originels du COE — en août 1971, à Louvain, sur le thème central : Unité de l'Église, unité de l'humanité ; de la préparation du Synode catholique suisse, des congrès de laïcs à Madagascar, de la journée missionnaire internationale (Pentecôte)...

De même, les appels à l'unité, les actions de secours, les tentatives de réconciliation ont généralement été faits en commun (Irlande, Viêt-nam, Palestine, Bangla Desh, ...). La création, antérieure à cette année, du Fonds de lutte contre le racisme, du COE en faveur de mouvements de libération, a continué à rencontrer l'aide de la plupart des Églises, mais aussi parfois leurs réactions. Cette ligne d'action a d'ailleurs souvent été suivie œcuméniquement sur les plans locaux et régionaux, de même que les Églises de France ont publiquement pris position contre la vente d'armes aux pauvres. Cependant peu de faits ont marqué cette année malgré le sérieux travail accompli partout au sujet de questions aussi brûlantes que les mariages mixtes (Canada, Afrique, Suisse, ...), l'avortement (Italie, France, Pays-Bas, USA, ...), le sous-développement des pays du tiers monde (aide financière régulière des Églises d'Allemagne, de Scandinavie, de Grande-Bretagne, ...).

À ce propos, il faut souligner l'ouverture, en février à Paris, d'un Centre d'information sur le développement (CIDEV), créé conjointement par la CIMADE (service œcuménique d'entraide protestant) et par le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD). Malgré un durcissement certain de Rome, notamment à l'égard de la commission commune SODEPAX (pour la société, le développement et la paix), de sérieux progrès ont été réalisés sur la doctrine et la pratique de ce qui est encore le cœur même des anciennes divisions, l'eucharistie et les ministères : les conversations au sommet anglicano-catholiques (Windsor), luthéro-catholiques (USA) ou officieuses, entre catholiques et protestants français (groupe des Dombes), sont allées très loin dans le sens d'un accord.

Concile des jeunes

Les Églises belges et suisses ont élaboré un protocole non sur la doctrine du baptême, mais sur le fait qu'il est encore considéré comme l'acte d'insertion dans une communauté ecclésiale particulière. Par ailleurs, la communauté monastique de Taizé a tenu à Pâques son traditionnel rassemblement de jeunes. C'est devant près de dix-huit mille d'entre eux que le prieur de cette communauté a annoncé que le Concile des jeunes se tiendrait au cours de l'été 1974. Et, parallèlement au puissant mouvement américain de la Jesus Revolution, post-œcuménique d'orientation piétiste, l'œcuménisme sauvage d'un grand nombre de groupes informels (rassemblés, fin mai, à Rennes par la communion de Boquen) d'orientation politique, lui aussi au-delà de l'œcuménisme officiel, n'a cessé de se développer, notamment en Europe et en Amérique latine. C'est pourquoi, devant les jeunes partagés entre ces deux tendances, une dirigeante leur a dit à Taizé, le jour de Pâques : « La question n'est pas de savoir s'il faut s'engager ni comment s'engager, mais comment tenir nos engagements. »

Les orthodoxes

La préparation d'un grand concile panorthodoxe s'est poursuivie en 1971-72. Depuis 787, il n'y a eu aucun concile pleinement œcuménique aux yeux des Églises orthodoxes. La tenue de ce concile, décidée à la conférence panorthodoxe de Rhodes, en 1961, apparaît, aux yeux des orthodoxes — et spécialement du patriarche de Constantinople, Athénagoras, auteur de l'initiative —, comme une étape nécessaire et intermédiaire de l'unité panchrétienne.