Mais une nouvelle affaire éclate, provoquant les plus violentes controverses que la législation religieuse ait jamais soulevées : celle des bâtards (mamzerim).

Les bâtards

La notion d'enfant illégitime est étrangère au judaïsme ; les enfants issus d'un concubinage ne sont l'objet d'aucune disposition particulière. En revanche, les bâtards sont totalement exclus de la communauté. Par bâtard, le judaïsme entend un enfant né des amours d'une femme mariée avec un autre homme que son époux légitime. Le bâtard est donc d'abord le fruit d'un adultère dans la définition biblique, qui vaut pour les femmes mariées mais non pour les hommes mariés. Mais une autre situation se présente quelquefois.

Si une femme, mariée religieusement et civilement dans un pays de la Diaspora, divorce civilement mais non religieusement, elle continuera d'être considérée comme mariée. Qu'elle se remarie, et les enfants issus de ce second mariage seront des enfants adultérins, des bâtards. Or la Bible est particulièrement sévère à leur égard : « le bâtard n'entrera pas dans la communauté de Dieu ; même la dixième génération n'y entrera pas » (Deutéronome XXIII, 3). D'après la législation biblique, le bâtard ne peut épouser un juif ; il risque d'être condamné au célibat, surtout en Israël.

Vers un mariage civil

Ce problème, généralement ignoré du fait de sa nature un peu particulière, fut porté devant l'opinion publique lorsque deux jeunes soldats israéliens, à la situation complexe, furent proclamés bâtards par le rabbinat et empêchés de contracter mariage. L'affaire prit rapidement les proportions d'un scandale, les autorités politiques et militaires — notamment le général Dayan, ministre de la Défense — ayant fait pression sur le grand rabbinat pour qu'il lève l'interdiction.

La position des instances religieuses est d'autant plus délicate qu'elles n'ont pas le pouvoir d'abroger une disposition explicitement formulée dans la Bible. Des solutions libérales sont donc difficiles à trouver. Venant s'ajouter au problème du mariage mixte, à celui des juifs d'origine sacerdotale (Cohen) qui ne peuvent épouser une divorcée, la question des bâtards a créé un profond malaise.

On estime qu'il y a aujourd'hui 20 000 Israéliens auxquels l'absence de mariage civil ne permet pas de vivre dans une situation familiale régulière. De nombreux courants d'opinion, même au sein des milieux religieux, souhaitent voir introduire la notion de mariage civil.

Une autre controverse extrêmement violente éclate à propos des autopsies. La loi juive, très attachée au respect du corps humain, n'autorise l'autopsie que si le sauvetage d'une vie humaine l'exige. Si elle admet la légitimité des recherches médicales, ce n'est point sans réserves. La pratique fréquente et quelquefois systématique des autopsies dans certains hôpitaux israéliens heurte gravement la sensibilité des milieux orthodoxes de Jérusalem.

Après des campagnes de presse passionnées, on assiste à de véritables émeutes et même à des attentats contre les maisons de certains chirurgiens.

Liberté religieuse

En sens inverse, le problème de la liberté religieuse parut se poser également pour des juifs pratiquants. L'arrivée massive de juifs de Géorgie, fortement attachés à la pratique religieuse, mit en lumière les difficultés que peut éprouver quelquefois un juif pour observer le repos du sabbat, même en Israël où il est jour de repos légal. On proposa à certains d'entre eux des emplois — à l'aéroport de Lod par exemple — qui leur permettaient difficilement de respecter le sabbat.

Le fait que des juifs, particulièrement motivés à s'installer en Israël par leurs aspirations religieuses, aient pu y rencontrer des difficultés de cette nature a posé très ouvertement le problème des rapports complexes de la religion et de l'État en Israël.

Laisse partir mon peuple

L'émigration d'un nombre important de juifs de Géorgie semble indiquer depuis quelque temps le début d'une évolution dans ce qui est depuis plusieurs années une préoccupation majeure du judaïsme mondial : le destin des juifs d'Union soviétique.