Pour les livres, on trouve une dizaine de collections autour des thèmes de l'alchimie, de la parapsychologie, de la magie, du marginal. Un poste de radio périphérique s'illustre par ses consultations astrologiques ; durant les heures de passage sur l'antenne, les auditeurs questionnent directement par téléphone les animateurs de l'émission. Il s'ensuit un embouteillage du central téléphonique qui amène l'administration à prendre des mesures. Un magazine de la télévision expose différents aspects de la magie et de la sorcellerie, depuis la fabrication de statuettes ou de médailles portant bonheur jusqu'à la production d'or à partir d'un morceau de plomb.

À cela s'ajoute l'attirance pour d'hypothétiques civilisations disparues ou pour les philosophies d'Extrême-Orient : bouddhisme, zen, yoga.

Enfin, quoique sur un autre registre, la vulgarisation des techniques psychothérapiques vient, dans une certaine mesure, interférer avec l'irrationalisme. Même si la démarche et la motivation ne sont pas identiques chez l'interlocuteur de l'astrologue et celui du psychothérapeute de masse, il existe malgré tout des analogies, ne serait-ce que cette inquiétude d'un avenir proche ou lointain, cette insatisfaction présente qu'on espère combler, le besoin d'un ordre, d'une cohérence qui échappe, d'un remède à la solitude.

Refus de l'Occident

Ce qui frappe dans tous ces mouvements, c'est un certain refus de l'Occident, de ses méthodes de pensée, d'une rationalisation et d'une objectivité que l'on avait pu croire triomphantes dans la mesure où elles ont présidé au développement de la science moderne et du monde industriel. Tout se passe, selon certains, comme si ces catégories ne rendaient pas compte d'une réalité (psychique en particulier), vécue d'une manière beaucoup plus complexe.

Rôle des mass media

D'autres s'étonnent de la renaissance de cette foi de millions d'hommes dans des modes de connaissance qui paraissaient dépassés, et cela après Diderot, Claude Bernard, Marx et bien d'autres. C'est oublier que l'astrologie a eu pendant des siècles statut de science, qu'en dépit du scientisme, du positivisme et du marxisme il y a toujours eu un courant souterrain de l'occultisme bien vivant. C'est le retentissement que lui donnent aujourd'hui les mass media qui est interprété, peut-être avec excès, comme un retour en force de la magie.

Beaucoup de sociologues soulignent que ce retour des magiciens va de pair avec un recul des religions chrétiennes, qui donnaient une signification globale à la vie de l'homme et répondaient aux questions essentielles de la mort, de la survie et du salut D'où, évidemment, une nouvelle recherche vers les sciences occultes ou les mystiques extrême-orientales qui, elles, réintègrent l'homme dans l'Univers.

Faut-il voir dans ce courant le signe d'une mutation de la culture ou simplement le reflet passager d'une crise actuelle de la société ? La plupart des scientifiques penchent pour cette dernière interprétation et soulignent l'aspect commercial de l'exploitation de l'irrationnel. L'astronome Paul Muller, de l'Observatoire de Paris, a entrepris une campagne pour ridiculiser l'astrologie. L'Union rationaliste, qui comprend de nombreux scientifiques et enseignants, multiplie les conférences contre les fausses sciences. Mais on peut précisément douter que le débat se situe au niveau de la discussion rationnelle.

Batailles autour de l'enseignement

Votée dans la foulée des événements de mai 1968, la loi d'orientation, qui devait apporter un sang neuf à l'université, a été progressivement appliquée, souvent davantage dans sa lettre que dans son esprit initial. Cependant, les problèmes soulevés il y a trois ou quatre ans semblent avoir cheminé sous terre pour refaire surface sous des formes nouvelles. Le débat part du contenu de l'enseignement pour mettre finalement en cause les bases mêmes de l'éducation et de la transmission de la culture.

Mathématiques nouvelles

Après l'enseignement du français, la bataille des programmes atteint celui des mathématiques. Alors que la réforme de l'enseignement des mathématiques, qui date de plusieurs années, a touché cette année, pour la première fois, les classes terminales, les adversaires des maths nouvelles se sont soudainement manifestés dans une enceinte — l'Académie des sciences — qui donne à leur offensive une particulière résonance, encore accrue par la qualité de leurs porte-parole, à la tête desquels se trouve un prix Nobel de physique, Alfred Kastler.