Pratiquement, on envoie sur l'échantillon à étudier des neutrons d'une énergie connue. Les directions dans lesquelles ils sont déviés, l'intensité du flux dans chaque direction et éventuellement le changement d'énergie permettent de calculer la position relative des atomes ainsi que leurs mouvements.

Métallurgie et chimie

Les neutrons font apparaître la structure d'alliages impossibles ou difficiles à observer par les rayons X, comme le laiton. En chimie organique, le fait qu'ils discernent les atomes d'hydrogène donne la possibilité d'étudier des molécules complexes telles que les protéines. En révélant les mouvements des atomes à l'intérieur d'un solide, ils donnent des informations sur les forces qui relient les atomes, notamment dans les alliages, les semi-conducteurs, les polymères. Les applications de telles recherches sont multiples en métallurgie, en chimie industrielle, en biochimie.

Par ailleurs, les neutrons du réacteur de Grenoble serviront à des recherches de physique fondamentale, en particulier sur la structure du noyau atomique et sur le mécanisme de la fission.

Les flux de neutrons destinés à la recherche sont d'autant plus utiles qu'ils sont plus intenses, d'où la nécessité de réacteurs spécialement conçus à cet effet. Celui de Grenoble est le plus puissant du monde (Journal de l'année 1970-71). Il est exploité par l'Institut Max von Laue-Paul Langevin, organisme paritaire franco-allemand, sous la direction du professeur Mössbauer, prix Nobel (Allemagne), et de son adjoint, Bernard Jacrot (France).

Progrès dans les recherches sur l'antimatière

La commission gouvernementale soviétique des découvertes et inventions a homologué, en août 1971, la synthèse de noyaux d'antimatière, annoncée depuis quelques mois, à Serpoukhov, par le professeur Prokochkine et ses collaborateurs. L'intérêt soulevé par cet événement ne paraît pas dû seulement à sa réelle importance scientifique, mais aussi aux résonances psychologiques du mot antimatière et à la diffusion dans le public de commentaires aventureux sur les applications possibles de telles recherches.

Le positron

Pour mettre d'accord le principe de relativité et le mouvement quantique des électrons, c'est-à-dire le fait que ces derniers n'occupent autour du noyau que des niveaux d'énergie bien déterminés, le physicien anglais Dirac élabora, en 1929, une théorie vérifiée depuis par l'expérience. De façon inattendue, elle impliquait qu'il devait exister dans la nature une particule semblable à l'électron — même masse, même spin (rotation de la particule sur elle-même) —, mais de charge électrique positive et non négative. Cet antiélectron, ou positron, a été effectivement découvert en 1932 ; on le produit couramment en laboratoire.

Généralisant cette découverte, on a établi qu'à toute particule correspond son antiparticule. S'il s'agit de particules dépourvues de charge électrique, on observe quand même d'autres caractéristiques qui sont inversées. À côté de l'antiproton, de même masse que le proton, mais chargé négativement, on connaît un antineutron : sa rencontre avec un neutron se traduit (comme toute collision d'une particule avec son antiparticule) par leur annihilation et la transformation de toute leur masse en énergie.

L'idée est donc venue aux physiciens de produire des atomes d'antimatière, dont le noyau serait fait d'antiprotons et d'antineutrons. Des Américains ont réussi, il y a quelques années, à fabriquer environ 200 noyaux d'anti-hydrogène lourd (anti-deutérium) constitués d'un antiproton et d'un antineutron. À Serpoukhov, on a obtenu plus de 50 000 noyaux d'anti-deutérium et quelques noyaux d'anti-hélium 3, avec 2 antiprotons et un antineutron. (L'hélium 3 existe en très faible proportion dans l'hélium naturel, qui contient surtout de l'hélium 4).

Des antigalaxies

Malgré ce qui s'est dit, aucune utilisation pratique n'est imaginable dans les perspectives actuelles de la technique ; l'antimatière est impossible à stocker, puisque dès qu'elle est produite elle s'annihile au contact de la matière ordinaire. Et elle est extrêmement coûteuse.