Le 21 mars, Anderson récidive : il affirme détenir des documents secrets prouvant que l'ITT a conspiré avec la CIA en vue de déclencher un coup d'État militaire au Chili pour tenter d'empêcher l'élection à la présidence du socialiste Allende, à l'automne 1970.

Le 23, le département d'État déclare que le gouvernement américain « ne s'est pas engagé dans des activités déplacées au Chili », mais reconnaît avoir subi des pressions de la part de l'ITT, qui possède de gros intérêts dans ce pays. Le Sénat décide alors de constituer une commission d'enquête sur la façon dont les grandes compagnies multinationales peuvent influencer les responsables de la politique étrangère des États-Unis. Le 1er mai, Jack Anderson recevra l'un des prix Pulitzer de journalisme.

L'affaire la plus rocambolesque de l'année commence le 6 décembre 1971. Ce jour-là, la maison d'édition new-yorkaise Mc Graw-Hill annonce qu'elle va publier, le 27 mars 1972, une autobiographie du milliardaire américain Howard Hughes (66 ans) rédigée par un écrivain établi aux Baléares, Clifford Irving (41 ans).

Le 9 janvier 1972, de l'appartement de l'hôtel des Bahamas où il vit en reclus depuis l'automne 1970, Hughes accorde — le fait est insolite — une conférence de presse. À sept journalistes réunis à Los Angeles, il affirme par téléphone n'avoir jamais rencontré Irving et tout ignorer de l'ouvrage en instance de parution. Le 13, ses avocats entament une action en justice contre les éditeurs. Le 18, ils soulignent que leur client — contrairement aux allégations de Mc Graw-Hill — n'a jamais endossé de chèque de la maison d'édition. Le 20, les éditeurs annoncent qu'ils ont demandé aux autorités suisses d'entreprendre une enquête sur un compte ouvert au nom de H.R. Hughes dans une banque de Zurich. Le 26, la police helvétique demande à voir Irving pour l'interroger à ce sujet. Le 28, la femme de l'écrivain, Edith Irving (36 ans), reconnaît être la mystérieuse personne qui a ouvert le compte. Après avoir exhibé un faux passeport suisse au nom de Helga R. Hughes, elle a réussi à endosser trois chèques d'un total de 650 000 dollars (auxquels il faut ajouter une avance de 100 000 dollars). Le 12 février, Irving admet n'avoir jamais rencontré le milliardaire. Le 9 mars, à New York, deux chambres de mise en accusation, l'une fédérale, l'autre locale, établissent en 24 pages une liste des attendus qui ont motivé l'inculpation de l'écrivain, de son épouse et de leur collaborateur Richard Suskind (46 ans).

De l'acte d'accusation, il ressort que les prévenus ont fabriqué de fausses interviews enregistrées et de fausses lettres imitant l'écriture de Hughes. Ils ont, de plus, pillé la documentation réunie par un ancien collaborateur du milliardaire, Noah Dietrich (83 ans), lui-même occupé à rédiger ses mémoires sur les années qu'il a passées au service de l'étrange magnat. Le 16 juin, C. Irving est condamné par un tribunal fédéral de New York à deux ans et demi de prison et 10 000 dollars d'amende. Sa femme, à deux ans avec sursis, à deux mois de prison ferme et à une amende de même montant que celle de son mari.

Pour sa part, Howard Hughes a quitté, le 17 février, sa retraite du Britannia Beach Hotel pour Managua, capitale du Nicaragua. Le 15 mars, il a, dit-on, abandonné sa résidence d'Amérique centrale pour Vancouver, au Canada.

Quarante-deux morts : le bilan de la mutinerie du pénitencier d'Attica (dans le nord de l'État de New York) est l'un des plus tragiques de l'histoire des prisons américaines.

La révolte d'un millier de détenus, presque tous Noirs ou Portoricains, a éclaté le 9 septembre 1971. Les rebelles ont réussi à prendre un certain nombre de gardiens en otages. Fait nouveau : leurs revendications ont un caractère ouvertement politique. Après quatre jours de négociations infructueuses, le gouverneur Nelson Rockefeller, qui ne s'est pas une seule fois rendu sur place et à qui le président Nixon a recommandé la fermeté, donne l'ordre aux policiers de prendre la prison d'assaut.