La poursuite des combats, la reprise durant l'été de raids contre le Nord Viêt-nam, les péripéties et le truquage des élections sud-vietnamiennes ont peu à peu conduit à une nouvelle dégradation des rapports entre les partenaires de la Conférence de Paris. Chaque séance fait apparaître une impasse. Certaines réunions sont annulées par les uns ou par les autres. Avertissements, menaces et accusations réciproques se succèdent sans résultats. Après des interruptions qui se prolongent pendant plus d'un mois, on parle, fin juin, de la reprise de la conférence.

Avec l'automne, le conflit vietnamien entre dans une nouvelle phase. Une phase assez étrange où se mêlent activités militaires et voyages diplomatiques, et dont la clé sera finalement donnée par le président Nixon en janvier 1972. Sur le terrain, les trois pays indochinois, Sud Viêt-nam, Cambodge et Laos, sont devenus un même et unique champ de bataille.

Plan en 8 points

Au plan diplomatique, chacun cherche la confirmation de l'appui de ses alliés. La prochaine visite de Nixon à Pékin pèse déjà sur la situation. Podgorny, président de l'URSS, se rend donc à Hanoi en octobre ; Pham Van Dong, Premier ministre vietnamien, est reçu en Chine en novembre. Moscou et Pékin promettent une aide accrue. De leur côté, les Sud-Vietnamiens reçoivent Laird, ministre de la Défense américain, et Connally, ministre des Finances et conseiller écouté de Nixon ; l'un et l'autre les rassurent sur la détermination des États-Unis de mener jusqu'à son terme la politique de vietnamisation.

Dans ce climat, le président Nixon, au cours d'une curieuse conférence de presse le 12 novembre 1971, fait un bilan quelque peu contradictoire. D'abord il répond indirectement au plan de Mme Binh, en refusant de fixer une date pour le départ définitif des troupes américaines. Ensuite, il souligne la faiblesse de ses adversaires et affirme que le retrait progressif des GI's va se poursuivre. Mais, parallèlement, il annonce une intensification des raids contre les tentatives d'infiltration. Un mois plus tard, les bombardements sur le Nord Viêt-nam n'auront jamais été aussi massifs que durant le mois d'octobre 1968 avant que le président Johnson ne décide de leur arrêt. Une nouvelle escalade est-elle commencée ?

Pas tout à fait ou pas encore. Au vrai, le président Nixon donne lui-même l'explication du comportement adopté par les États-Unis. Le 25 janvier 1972, dans un discours qui stupéfie le monde, le chef de l'Exécutif américain révèle le dessous des cartes de plusieurs mois de négociations :

Il annonce que son conseiller pour les questions de sécurité nationale, Henry Kissinger, a effectué en deux ans 13 voyages secrets à Paris pour rencontrer les délégués nord-vietnamiens. L'éminence grise de la Maison-Blanche s'entretenait avec Xuan Thuy et Le Duc Tho dans une villa des environs de Paris « fournie par les Nord-Vietnamiens avec la coopération du président Pompidou ».

Il rend public un nouveau plan de paix en huit points, qui, dit-il, a été présenté à Hanoi le 11 octobre et est resté sans réponse. Ce plan — sorte de réplique à celui de Mme Binh — suggère notamment un processus conduisant à l'élection d'un nouveau chef de l'État au Sud Viêt-nam et, à vue, l'évacuation totale des troupes américaines dans un délai de six mois suivant un accord final entre les belligérants.

Que Nixon ait voulu couper l'herbe sous le pied à ses adversaires politiques en prévision des élections présidentielles de novembre 1972, qu'il ait voulu aussi préparer son voyage à Pékin en se dédouanant auprès de ses futurs interlocuteurs, cela ne fait aucun doute. Mais il est vrai aussi que le plan américain comporte des éléments nouveaux.

Offensive

Hanoi et le GRP le rejettent, non d'ailleurs sans un certain embarras car, aux yeux de l'opinion publique, les propositions de Nixon apparaissent conciliantes. En fait, pour les Nord-Vietnamiens et leurs alliés, les Américains mettent la charrue avant les bœufs. Certes, disent-ils en substance, Nixon a promis la démission de Thieu et l'évacuation des troupes US, mais seulement après un accord final. Ce qui ne nous donne aucune garantie. Inversons le processus.