– Quant aux négociations, elles sont multiples. Outre la Conférence de Paris, devenue le théâtre d'accusations réciproques, il y a les conversations secrètes entre Américains et Nord-Vietnamiens ; il y a surtout le double dialogue engagé cette année par Nixon avec Moscou et avec Pékin.

C'est là, en fin de compte, que se situe aujourd'hui le nœud du problème vietnamien. À l'heure de la coexistence active, Hanoi et ses alliés ne veulent pas y être sacrifiés, Moscou et Pékin ne le peuvent pas sans se renier, et Washington refuse de céder sans garanties. Jamais le conflit Indochinois n'a été considéré comme aussi limité ; jamais il n'a été plus international. Et jamais la solution n'est apparue aussi difficile à trouver.

Élections

Paradoxalement, l'année vietnamienne commence sous le signe d'un certain espoir. En dépit des combats, de l'enlisement des négociations de Paris, de l'inaptitude politique qui règne à Saigon, plusieurs éléments laissent penser qu'une évolution peut se produire.

Premier élément : les élections présidentielles du Sud Viêt-nam. Début juillet, trois candidats sont en présence : le général Thieu (le président sortant), le général Ky (vice-président), le général Minh (de tendance neutraliste). Si, dit-on alors, les élections se déroulent librement, si une véritable opposition (rassemblée derrière Minh) peut s'exprimer, une situation nouvelle sera créée, autorisant peut-être une négociation sérieuse avec le Front national de libération et avec les Nord-Vietnamiens.

Mais rien de tout cela ne se réalise. Le général Thieu ne s'interdit aucune manœuvre électorale pour conserver le pouvoir. Les Américains eux-mêmes, tout en voulant sauver la face, c'est-à-dire l'apparence d'élections libres, ne souhaitent pas voir s'installer à la place du président Thieu un homme susceptible de mener une politique différente de la leur. Aussi, dès le début du mois d'août, la campagne électorale prend l'allure d'une mascarade avec une série de chassés-croisés qui achèvent de déconsidérer le régime de Saigon :
– le 5 août, la Cour suprême sud-vietnamienne rejette la candidature du général Ky, sous le prétexte que certaines des signatures des conseillers provinciaux appuyant sa candidature ne sont pas valables ;
– le 20 août, le général Minh, refusant d'être « complice d'une odieuse farce », se retire de la compétition en dépit de très fortes pressions de l'ambassade des États-Unis ;
– le 21 août, la Cour suprême, revenant sur sa décision, reconnaît la candidature de Ky. Là encore il semble que l'ambassadeur américain E. Bunker ait usé de son influence sur Thieu pour obtenir ce revirement. En vain d'ailleurs, car l'ancien vice-président décide de ne pas se présenter à la consultation du 3 octobre.

Une candidature unique enlève désormais tout crédit aux affirmations de démocratisation du régime, d'autant que le général Thieu, libre de ses mouvements, bénéficiant du soutien de l'armée et assuré de la victoire, ne cherche même plus à préserver la façade d'élections libres. Il est triomphalement élu le 3 octobre avec 94,3 % des suffrages. Mais ce triomphe ne trompe personne, pas plus les Américains que le GRP ou les Nord-Vietnamiens. Le général Thieu maintenu au pouvoir signifie l'impossibilité de toute discussion politique. Une occasion manquée.

Plan en 7 points

Une autre occasion manquée est peut-être le rejet — ou tout au moins l'indifférence — des Américains à un nouveau plan présenté par le Front à la Conférence de Paris le 1er juillet. Ce jour-là, Mme Binh, chef de la délégation du GRP, propose entre autres de lier dans un calendrier commun la libération des prisonniers (et notamment des pilotes américains détenus au Nord Viêt-nam) et le retrait des troupes étrangères.

La suggestion, au premier abord, intéresse les Américains qui, pour la première fois, ne rejettent pas en bloc les propositions du Front. Comme, par ailleurs, le chef de la délégation américaine, David Bruce, auquel Washington reprochait — semble-t-il — de n'avoir pas su établir de bonnes relations avec les communistes, est remplacé par un diplomate plus habile, William Porter, on pense qu'une négociation au fond va peut-être s'engager. Il n'en est rien. Finalement, le plan de Mme Binh est abandonné.