Les projets de création de sociétés d'investissements fonciers agricoles sont provisoirement laissés de côté devant les réticences parlementaires, tandis qu'aucune formule n'a pu encore être trouvée pour permettre d'accorder l'indemnité viagère de départ (IVD) aux fermiers âgés.

Une disposition fiscale d'importance apparemment limitée, mais très lourde de conséquences, est votée par le Parlement : l'imposition au bénéfice réel des exploitants dont les recettes d'exploitation excèdent 500 000 F par art. Ces très grandes exploitations ne seront plus admises au système du forfait collectif départemental. C'est un pas vers l'intégration de l'agriculture dans le système fiscal général. À ce titre, la réforme est bien comprise par les syndicats agricoles, qui ont déjà joué un rôle positif dans l'introduction de la TVA dans l'agriculture.

L'imposition au bénéfice réel doit inciter les agriculteurs à fonder le développement de leurs entreprises en termes rigoureux, tandis qu'elle introduit davantage de vérité dans l'appréciation des revenus. Les organisations d'agriculteurs de pointe, comme le CENAG (Centre de l'agriculture d'entreprise), font même grief au gouvernement de n'appliquer le système qu'à une minorité d'entreprises (2 000 à 15 000 environ), ce qui crée une nouvelle disparité.

Se déclarant « entrepreneur » plutôt qu'« architecte », le nouveau ministre de l'Agriculture, Michel Cointat, entré en fonctions le 7 janvier 1971, joue la carte de « l'expansion raisonnée » de l'agriculture. Le spectre des excédents recule. A. Van Ruymbeke, directeur général du FORMA (Fonds d'orientation et de régularisation des marchés agricoles), constate qu'après une hausse continue de la production laitière, la collecte du lait s'est brusquement stabilisée depuis deux ans. Les stocks de beurre ont fondu. Quatre causes expliquent ce retournement de situation, selon A. Van Ruymbeke : la campagne psychologique pour limiter la production ; le refus, de caractère sociologique, des contraintes d'une spéculation mal rémunérée, la lourdeur du marché du lait, l'action d'orientation des pouvoirs publics en faveur de la production de viande.

M. Cointat joue également la carte de l'organisation économique des agriculteurs. Les groupements de producteurs et les comités économiques lancés par la loi Pisani de 1962 ne contrôlent encore, sauf dans quelques secteurs spécialisés (choux-fleurs, artichauts et pommes de terre nouvelles de Bretagne contrôlés à 100 %), qu'une faible proportion de la production ; fruits : 35 à 40 %; légumes : 15 %; œufs et volailles : 20 à 25 %; bovins : 9 %; porcins : 15 %; vins : 7 %.

Le ministère de l'Économie et des Finances restait, de son côté, assez réservé devant le développement des groupements par crainte de l'instauration de position monopolistique. Le gouvernement, cependant, fait le choix d'encourager plus vigoureusement ces groupements, quitte à les surveiller de plus près. Il s'engage même à « octroyer en priorité les aides publiques à la production organisée ». C'est à Saint-Pol-de-Léon (Finistère), devant Alexis Gourvennec, président de la SICA du lieu, qui prit d'assaut naguère la sous-préfecture de Morlaix pour dénoncer l'incurie des pouvoirs publics en matière d'organisation des marchés, que M. Cointat expose le contenu concret de cette charte d'une organisation économique ouverte à tous les producteurs.

Michel Cointat

Large front, lunettes à fines montures d'or, souriant et direct. Né en 1921 à Paris. Marié (à une journaliste), deux enfants. Ingénieur agronome, diplômé de l'INA, ingénieur des eaux et forêts de l'École de Nancy, c'est en spécialiste qu'il aborde sa carrière administrative. De 1943 à 1949, il est garde général des eaux et forêts et inspecteur adjoint des eaux et forêts à Uzès (Gard).

C'est en Haute-Marne que débute sa carrière politique. De 1958 à 1967, il est conseiller municipal de Chaumont. Edgard Pisani le remarque : il en fait son directeur de cabinet en 1961 au ministère de l'Agriculture. La réforme de l'administration centrale de ce ministère crée une direction générale de le production et des marchés : Michel Cointat en est le titulaire jusqu'en 1967.