Jugé techniquement trop complexe et politiquement trop dangereux à deux ans des élections législatives, l'impôt foncier de A. Chalandon sera jeté aux oubliettes. On se contentera, pour tenter de juguler la hausse du prix des terrains :
– de porter de 8 à 14 ans le délai pendant lequel la puissance publique peut exercer son droit de préemption sur les sols situés dans des zones d'aménagement différé (ZAD) ;
– de renforcer la procédure de l'expropriation, le juge foncier pouvant désormais évaluer la valeur du terrain en se fondant sur la dernière transaction, même si elle remonte à dix ou quinze ans, sans tenir compte des plus-values provenant des équipements collectifs réalisés entre-temps.

Mesures très dirigistes, mais dont l'exécution dépendra de la bonne volonté et de la compréhension des fonctionnaires, des juges fonciers et des élus. Et, d'abord, de l'accord des députés, qui préféraient renvoyer à la session de l'automne 1971 l'examen des projets de loi sur l'expropriation. Dans ce domaine où, au sommet, le gouvernement et sa majorité ont fait preuve de plus de timidité que de courage politique, c'est sur le terrain que le sort de la réforme se jouera.

La crise du logement persiste

« La France, il est vrai, n'est pas sortie de la crise du logement. Ces lieux inhabitables où s'entassent les familles étrangères ou françaises aux portes de nos plus grandes villes en sont la trace la plus criante. Mais le surpeuplement de nos logements, la vétusté et l'inconfort de beaucoup d'entre eux, la longue attente des jeunes ménages, la situation dramatique de beaucoup de personnes âgées, la multiplication des meublés et des garnis en sont des manifestations encore trop nombreuses que notre pays n'est pas parvenu à résorber ».

Telle est, selon le rapport établi fin 1970 par un inspecteur des Finances, Pierre Consigny (P. Consigny a été le conseiller économique de Maurice Couve de Murville de 1963 à 1969 ; à la suite de son rapport sur le logement, en mai 1971, il est nommé directeur de la nouvelle Direction du bâtiment et des travaux publics, créée au ministère de l'Équipement), à la demande du ministre de l'Équipement, « la face triste, présente aujourd'hui encore, du logement des Français ». Bien sûr, depuis une douzaine d'années, des millions de logements ont été construits. Mais la France reste en retard par rapport aux pays européens.

– Surpeuplement : sur un total de 15 778 000 résidences principales en 1968, 31,6 % étaient en état de surpeuplement (la définition du surpeuplement adoptée par l'INSEE est assez large : un logement est dit surpeuplé lorsque deux enfants de sexe différent âgés de plus de deux ans, ou plus de deux enfants de même sexe, vivent dans la même pièce), contre 38,7 % en 1962. Les conditions sont très nettement différentes selon les catégories. En 1968 comme en 1962, on comptait deux fois plus de ménages vivant dans des logements en surpeuplement critique parmi les locataires que parmi les propriétaires ; la proportion des résidences principales en état de surpeuplement accentué suivant la catégorie socioprofessionnelle du chef de ménage (en 1968) montre des différenciations sensibles entre les agriculteurs (14,6 %), les ouvriers (14,5 %), les personnels de service (11,9 %), les employés (8,2 %), les patrons de l'industrie et du commerce (6,7 %), les professions libérales et les cadres supérieurs (2 %). Enfin, si 42 % des logements bretons et 39,8 % des logements parisiens sont surpeuplés, la proportion n'atteint que 18 % en Alsace.

– Équipement : les progrès enregistrés entre les deux recensements de 1962 et 1968 sont notables dans la catégorie « tout confort » ; c'est-à-dire les logements bâtis dans des immeubles avec murs et toiture en dur et disposant à la fois de l'eau courante, de WC et d'une baignoire ou d'une douche. Ils représentaient 25 % du parc immobilier en 1962 et 40 % en 1968. Pourtant, là encore, les inégalités restent considérables, puisque 87 % des logements occupés par des membres des professions libérales et des cadres supérieurs ont « tout le confort », et seulement 16 % de ceux qui sont occupés par des agriculteurs ; dans le Nord, 28 % seulement des logements sont dans ce cas et 60 % en Provence.