Le projet de J. Duhamel adapte ce statut pour permettre à des apporteurs de capitaux en numéraire de s'associer aux propriétaires de biens fonciers en incitant le groupement à souscrire un bail à long terme.

Création des SAIF. Ce projet vise à créer des sociétés agricoles d'investissement foncier s'interdisant par statut toute exploitation directe de leurs biens. Elles consentiraient des baux de longue durée, sans action de reprise, ou des locations-ventes.

Les SAIF transposent à l'agriculture des formules (en particulier les SICOMI) utilisées dans les autres secteurs de l'économie. Elles permettent :
– de rassembler des capitaux acceptant (sous l'effet d'incitations fiscales particulières) de s'investir dans le foncier agricole ;
– de leur assurer la stabilité qui s'attache aux actions des sociétés anonymes ;
– de mettre à la disposition des agriculteurs (soit dans le cadre de baux à long terme, soit par crédit-bail) des biens fonciers agricoles et les équipements immobiliers ou immeubles par destination nécessaires à leur mise en valeur rationnelle.

Il s'agit donc d'une nouvelle voie pour aider les agriculteurs à résoudre le problème foncier.

Le 26 juin 1970, l'Assemblée nationale adopte les trois premiers projets de loi, avec quelques amendements. La discussion sur la création des sociétés agricoles d'investissement foncier est reportée au mois d'octobre.

L'industrie alimentaire : profonde transformation

Excédentaire en blé et en sucre, la France importe plus de biscuits et de produits sucrés qu'elle n'en vend à ses partenaires du Marché commun. Le lait est trop abondant et les stocks de beurre pèsent sur le marché. Mais les fromages hollandais, danois ou même allemands se pressent dans les vitrines réfrigérées des supermarchés.

Il ne suffit pas de produire, il faut transformer et commercialiser : habileté et marketing sont les deux mamelles de l'agriculture moderne. Avec ses quelque 55 milliards de chiffre d'affaires annuel, l'industrie alimentaire fait figure de géant par rapport à nombre de secteurs industriels. Mais la réforme de ses structures, aujourd'hui véritablement engagée, est une œuvre de longue haleine. Il est certain que l'industrie alimentaire française est sans doute encore moins concentrée (l'analyse varie toutefois selon les secteurs) que ses concurrentes hollandaise, anglaise ou allemande.

Mais, comme le souligne Edgard Pisani, ancien ministre de l'Agriculture, il convient de tenir compte des facteurs qui conditionnent le développement de cette branche dans les différents pays. Pays agricole, autosuffisant pour presque toutes les productions, la France a bâti, au fil des années, une industrie alimentaire à la mesure de son agriculture. Aux petites exploitations et aux petits élevages correspondent petites conserveries et petites laiteries.

Introduire un produit

En revanche, dans les grands pays industrialisés comme la Grande-Bretagne, où l'on est traditionnellement tourné vers l'importation, se sont développées des entreprises de transformation à la mesure du marché mondial. En raison de l'insuffisance de l'agriculture locale, il était également plus facile d'introduire des nouveaux produits. Si l'invention de la margarine est due au Français Mège-Mouriès, ce n'est pas en France que son industrie s'est développée... Pourtant, on doit constater aujourd'hui que ce produit a été l'origine du plus grand empire industriel de l'alimentation : la société anglo-hollandaise Unilever.

Prendre le risque

Sans doute le souci de protéger les agriculteurs nationaux contre la concurrence est-il à l'origine de la fortune de chefs d'entreprises placés dans d'autres conditions de marché. Mais la question fondamentale est également de savoir si l'industriel de l'alimentation peut prendre le risque d'attaquer un marché où règne déjà un autre produit. La margarine ne pouvait peut-être trouver ses premiers débouchés que hors des frontières de la gastronomie au beurre... à charge d'y revenir ensuite. Ce problème se pose à tous les novateurs en matière alimentaire. On peut, par exemple, se demander quel sera le moyen le plus judicieux de vendre en France, et en général dans tous les pays développés, les produits de synthèse (par exemple, les protéines unicellulaires cultivées sur substrat pétrolier) qui, dans quelques années, concurrenceront les protéines nobles de la viande dans certains régimes alimentaires. (Journal de l'année 1967-68).