Ce retour à une concurrence plus saine est un objectif ancien. Le souci d'assurer une complémentarité plus exacte des différents moyens de transport est plus récent. Les infrastructures sont ce qu'elles sont à un moment donné. Il n'est pas toujours possible de les améliorer comme on le souhaiterait. Il faudrait les utiliser le plus économiquement possible, en évitant chaque fois qu'on le peut les doubles emplois. Certaines innovations techniques, comme la généralisation des grands conteneurs transportés successivement par bateau, train et camion, imposent d'ailleurs cette complémentarité.

Il est des cas, il est vrai, où la répartition des différentes catégories de marchandises et des voyageurs entre les moyens de transport les mieux placés économiquement et techniquement suppose des choix politiques. Les difficultés parfois inextricables que soulève la coordination de la circulation des voitures particulières et des moyens de transport en commun dans les grandes agglomérations en est un bon exemple.

Distribution

Le petit commerce sera-t-il un secteur assisté ?

La crise du commerce n'est pas nouvelle en France, mais elle a pris, en 1969-70 un tour violent et s'est rapidement politisée. Les petits commerçants trop âgés ou incapables de s'adapter ne sont plus les seuls à connaître des difficultés. Le commerce intégré, lui aussi, ressent le contrecoup de l'évolution de la distribution. Grands magasins, succursalistes, magasins populaires, constatant l'insolente réussite des hypermarchés (plus de 2 500 m2 de surface de vente), ont créé des enseignes nouvelles et les Escale, les Mammouth, les Record et autres Géant fleurissent hâtivement au bord des routes, à l'écart des agglomérations. Si tous les projets se réalisent, il y en aura quelque 140 à la fin de 1970 (soit deux fois plus qu'un an auparavant). Le territoire français peut encore absorber beaucoup de ces usines à vendre et les faire prospérer mais déjà certaines villes sont dangereusement suréquipées : Nîmes, Caen, Tours connaissent des batailles commerciales serrées qui se termineront sans doute par des fermetures... À Creil, une grande surface a d'ores et déjà fermé ses portes.

En attendant, les supermarchés (de 400 à 2 500 m2 de surface de vente) sont aussi durement touchés par cette concurrence que les petits commerçants locaux. Quant aux grands magasins parisiens (qui ont ouvert leurs portes tous les lundis depuis le 1er janvier 1970), ils ont également défrayé la chronique. Les frères Willot, véritables Gargantua des affaires du secteur textile, qui s'étaient déjà fait les dents dans les distributions en dévorant la Belle Jardinière, ont mené une grande offensive pour s'emparer du Bon Marché. Les Galeries Lafayette, de leur côté, sont contraintes d'abandonner leur secteur ventes par correspondance, qui leur a coûté en trois ans 60 millions de francs. Là encore, les frères Willot sont sur les rangs, en compagnie de deux firmes étrangères.

Simultanément, les deux premiers centres commerciaux régionaux ont ouvert leurs portes : Parly 2, au Chesnay, près de Versailles, et Cap 3 000 près de Nice. De nombreux centres sont en projet et les grands magasins se livrent, là aussi, à une frénésie d'investissements.

Les victimes

Les petits commerçants restent les grandes victimes de cette évolution. Le nombre des points de vente du commerce a diminué de 7 284 en 1969. Les contestataires du CID (Comité d'information et de défense) se sont beaucoup agités et leur jeune leader, Gérard Nicoud, a accédé à une sorte de vedetteriat : après avoir subtilisé des dossiers d'assurance vieillesse (en juillet 1969, à Lyon, Saint-Étienne, Roanne et Clermont-Ferrand), enlevé des fonctionnaires (en septembre, à Montalieu, dans l'Isère), tenu un meeting au Parc des Princes, les fidèles du jeune restaurateur de La Bâtie-Montgascon ont, imitant les transporteurs routiers, créé des embouteillages monstres, le 23 mars, un peu partout en France.

Condamné successivement à deux mois, puis à six mois de prison, Gérard Nicoud était libéré en raison de son pourvoi en cassation le 24 mai 1970, après avoir purgé la première partie de sa peine.