Cette évolution inquiétante — d'autant plus que le bilan est déficitaire pour les produits finis et pour les échanges hors zone franc — devait être corrigée dans une certaine mesure par les résultats des premiers mois de 1970, avec un plafonnement des importations et une croissance mesurée des exportations. Cela n'empêche pas la profession de prendre le problème au sérieux ; fin mai, pour la première fois, une journée de l'exportation textile réunissait à Paris 400 dirigeants d'entreprises exportatrices, pour entamer une action commune vers les marchés extérieurs.

À brève échéance, cette initiative devrait renforcer une vocation déjà apparente : 39 firmes du textile sont classées parmi les 500 premières sociétés françaises exportatrices.

Fusions et regroupements

En revanche, si l'on choisit le critère de la taille, 18 seulement sont présentes au classement ; le mouvement de restructuration du secteur est loin d'être arrivé à son terme. La disparition des entreprises marginales, les fusions et les regroupements ont apporté un assainissement, le nombre d'entreprises passant de 8 200, en 1958, à 4 700. Mais la constitution de sociétés puissantes, analogues à celles qu'on a vu se former dans les autres industries, fait encore défaut. Or, ce phénomène semble maintenant démarrer. Trois groupes, Agache-Willot, Dollfus-Mieg et Prouvost-Masurel, ont particulièrement défrayé la chronique.

Les empires du textile

Les frères Willot, déjà les premiers pour la filature et le tissage du coton, renforcent leur position dans le jute, le tapis, le tissu d'ameublement, la confection : absorption des Ets Lefebvre et Bastin (laines cardées et couvertures) et du Comptoir général des textiles manufacturés ; prise de contrôle de Saint Frères (jute, emballage, tapis, corderie) ; prise de participation dans Carmichael (jute, tapis), puis, par l'intermédiaire de cette dernière, prise de participation dans la Manufacture française de tapis et couvertures ; prise de contrôle de la Société des productions de Chaumont (vêtement féminin). D'autre part, les Willot s'aménagent une forte position dans la distribution.

Autre pôle de regroupement : Dollfus-Mieg, entre autres opérations, prend le contrôle de la Société générale des filatures et tissages de Fiers et de la Société Warnier-David (tissage de laine). Un accord avec le groupe Pricel permet le regroupement des activités de tissage des deux partenaires et le développement des non-tissés par une société commune, Intissel. Enfin, un rapprochement se prépare avec la Société industrielle française de tapis.

De son côté, Prouvost-Masurel confirme son rang de premier bonnetier français : accord d'association avec la Société elbeuvienne de bonneterie, et regroupement, dans la société Timwear, des firmes communes avec le groupe Levy. Mais surtout, début 1970, L. Prouvost et L. Boussac annoncent leur intention de collaborer pour rationaliser leurs fabrications et mettre au point des politiques communes d'approche des marchés.

Cette entente entre les deux octogénaires du textile est significative de l'évolution en cours : les empires les plus grands et les plus fermés ne sont pas à l'abri des bouleversements qui se produisent à leurs frontières. Face aux puissances montantes — Agache-Willot, Dollfus-Mieg, Rhône-Poulenc, les anciens de la profession s'accordent pour remettre en question leurs structures et leurs méthodes de gouvernement.

Transports

Concurrents ou complémentaires ?

Les barrages des chauffeurs routiers au printemps 1970 dépassent le simple mouvement de mauvaise humeur devant des projets de restriction de la circulation. Ils traduisent l'inquiétude d'une profession, prospère mais menacée, devant les transformations rapides d'un secteur clef de l'économie. Les négociations qui suivirent illustrent une fois de plus les remous que suscitent la mise en place de la réforme de la SNCF et les difficultés soulevées par la définition d'une nouvelle coordination des transports.

Les statistiques de 1969 n'ont fait pourtant que confirmer une évolution déjà sensible au cours de la décennie précédente. Elles montrent que l'augmentation générale des mouvements de marchandises et de voyageurs n'a pas profité également à tous les modes de transport. Les transporteurs aériens et routiers voient leur trafic augmenter dans des proportions importantes ; les chemins de fer connaissent des taux de progression plus faibles ; l'activité des bateliers plafonne.