Dès son second forage, le programme JOIDES a été l'occasion d'une découverte remarquable : pour la première fois, du pétrole a été découvert en mer profonde. Sous 3 580 m d'eau, des indices pétroliers ont été trouvés dans un dôme de sel au fond du golfe du Mexique, dans la région des Sigsbee Knolls. Évidemment, on est encore loin de pouvoir exploiter ce nouveau gisement ; on ne sait même pas, d'ailleurs, s'il est exploitable.

Mais sa découverte pose d'une façon urgente le problème de la propriété des fonds marins (en dehors du plateau continental), problème qu'étudient les Nations unies et tous les pays, grands ou petits, riches ou pauvres.

Un secteur de recherche favorisé : l'océanographie

Parmi les organismes français de recherche, le Centre national pour l'exploitation des océans (CNEXO) est un des très rares dont le budget 1969 se présente en augmentation sur celui de 1968.

Les sommes allouées au CNEXO sont passées de 32 millions à 58 millions de francs, ce qui représente environ le tiers de l'effort financier total consenti à l'océanographie en France. Les dirigeants du CNEXO prévoient même que les crédits attribués à la recherche océanographique française — soit directement au CNEXO, soit à d'autres organismes, tels que l'ORSTOM, la Marine nationale ou l'Université — augmenteront régulièrement d'année en année.

Thèmes d'orientation

Le 25 septembre 1968, lors de la présentation à la presse du programme d'orientation du CNEXO, Robert Galley, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la recherche scientifique et des questions atomiques et spatiales, a évalué à un milliard de francs la somme globale qui pourrait être attribuée à l'océanographie française pendant les cinq ou six années à venir.

Après une longue réflexion, le CNEXO a fait connaître son programme d'orientation, qui s'insère dans les cinq thèmes qu'il avait définis dès la fin de 1967 :
– exploitation de la matière vivante ;
– exploitation des matières minérales et fossiles ;
– reconnaissance et aménagement de la marge continentale et du littoral ;
– lutte contre la pollution ;
– action de l'océan sur les conditions météorologiques et climatiques.

Ces cinq thèmes sont immenses, et les crédits du CNEXO limités. C'est pourquoi on a sélectionné 88 opérations qui devraient permettre d'atteindre 18 objectifs, entre lesquels on a, de surcroît, choisi des ordres de priorité. Parmi les sujets méritant le qualificatif de prioritaires ont été classés, notamment, la construction du Centre océanologique de Brest (dont la première pierre a été posée le 17 décembre 1968), la reconnaissance du plateau continental, l'élevage d'espèces marines comestibles, la réalisation de divers navires ou engins.

Deux navires de 48,7 m sont en chantier pour le compte du CNEXO : un chalutier pélagique, le Cryos, qui sera utilisé à partir de décembre 1969 dans les mers froides par l'Institut scientifique et technique des pèches maritimes, et un navire polyvalent, non encore baptisé, sur lequel l'Office de recherche scientifique et technique d'outre-mer pourra étudier les différents modes de pêche en mer tropicale dès la fin de l'année 1969.

Le « Norois »

La construction d'un bâtiment de même taille, le Norois (navire océanographique de recherche, d'observation, d'intervention et de soutien), long de 45 à 50 m, suivra celle des deux précédents navires. Fait pour travailler en zone côtière par tous les temps, le Norois aura la particularité d'être adaptable à toutes les disciplines : les laboratoires seront installés dans des containers que l'on chargera ou déchargera du bateau suivant les besoins des campagnes, qui pourront durer une quinzaine de jours. Dès maintenant, on prévoit de construire au moins trois navires de ce type.

D'autres engins de recherche sont inscrits au programme du CNEXO : une deuxième bouée laboratoire habitée entourée de petites bouées satellites inhabitées, la soucoupe plongeante SP-3000, qui pourra descendre à 3 000 m. Enfin, les plans d'un petit sous-marin de recherche, l'Argyronète, sont actuellement étudiés par l'IFP (Institut français du pétrole) et le CEMA (Centre d'études marines avancées).

Le « Jean-Charcot »

Le Jean-Charcot, avec ses 75 m de long, reste donc l'unique grand navire océanographique français. Dans le courant de l'été 1969, il sera doté du matériel nécessaire au positionnement par satellite. Il pourra ainsi préciser sa position à 180 m près, même en plein océan, comme le peuvent déjà de nombreux navires de recherche américains et comme le peut, depuis le début de 1969, le bateau océanographique britannique Discovery.

Multiples missions

Du 1er juillet 1968 au 30 juin 1969, le Jean-Charcot a eu une activité variée. Une campagne dans le golfe de Guinée a marqué le début de la collaboration entre des organismes de recherche comme le CNEXO, l'IFP et l'ORSTOM d'une part, et d'autre part des sociétés pétrolières proches de l'État, Elf-ERAP, SNPA et CFP, regroupées avec l'IFP dans un Comité d'études marines (les fonds de ce comité sont en grande partie fournis par la Direction des carburants du ministère de l'Industrie). Des études de géophysique en mer, d'océanographie physique et de biologie marine ont été faites pendant cette campagne.