Malgré toutes les précautions prises pour éliminer les éléments non-conformistes, un vent de révolte semble souffler au sein du Congrès général du parti, dès sa première réunion, le 14 septembre 1968. Les débats, publics, prennent souvent un ton passionné. Des orateurs exigent que le gouvernement adopte une politique plus activiste à l'égard d'Israël, que des milices populaires de résistance soient constituées, qu'une économie de guerre soit mise sur pied.

Cours de formation politique

Le président de l'Union des étudiants, élu quelques jours auparavant, prononce un réquisitoire contre le régime, demandant que toutes les libertés publiques et individuelles soient rétablies.

Le contestataire est, peu après, remplacé par un étudiant moins réfractaire au système établi. Cependant, un vaste programme de réformes est mis en œuvre pour répondre aux revendications qui se font pressantes dans les établissements scolaires et les universités.

Satisfaction est aussi donnée aux aspirations civiques, qui ont pris un fougueux essor après la guerre de juin : des cours de formation politique sont institués dans les écoles secondaires, les universités et les écoles supérieures ; en outre, les étudiants peuvent subir un entraînement militaire et participer aux exercices de défense civile. Après le raid de commandos israéliens contre une centrale électrique à Nag Hamadi, en Haute-Égypte, le président Nasser signe, le 1er novembre 1968, un décret portant création d'une « armée de défense populaire » qui répond aux vœux exprimés par les dirigeants étudiants.

Batailles rangées à Alexandrie

Le 2 novembre 1968, il signe quatre décrets-lois garantissant les libertés publiques. Malgré tout, de violents incidents éclatent les 20 et 21 novembre à Mansourah (Basse-Égypte) entre les étudiants et les forces de l'ordre. Officieusement, les heurts auraient provoqué la mort de 4 jeunes gens, mais le nombre des victimes serait beaucoup plus élevé. Les émeutes s'étendent à Alexandrie, où des batailles rangées se déroulent, les 23, 24 et 25 novembre, entre les étudiants et la police. Le bilan des échauffourées est particulièrement lourd : 15 morts, 414 blessés et près de 500 arrestations.

Toutes les universités et les grandes écoles sont aussitôt fermées (les cours ne reprendront que le 11 janvier 1969), une réunion extraordinaire du congrès général de l'Union socialiste est convoquée pour examiner la situation. Tous les orateurs dénoncent le « complot israélien qui est à l'origine des troubles ». À l'exception de quelques meneurs, tous les étudiants arrêtés sont remis en liberté.

La mainmise du parti

Le calme revenu, le gouvernement décide, le 15 décembre 1968, la fusion de tous les organismes paramilitaires de la jeunesse, qui sont ainsi placés sous le contrôle de l'État. L'Union générale des étudiants est mise au pas. Le 16 janvier, l'entraînement militaire dans les écoles secondaires est supprimé. D'autre part, les services de renseignements rendent publiques, le 8 décembre, plusieurs affaires d'espionnage, qui viennent s'ajouter à celle de Mahmoud el Haddad, « agent israélien » arrêté lors des émeutes d'Alexandrie.

C'est dans ce climat tendu que se déroulent, le 8 janvier 1969, les élections législatives. 808 candidats briguent 228 sièges (les 22 députés restants étant nommés par le pouvoir), mais la quasi-totalité des élus sont ceux qui avaient reçu le patronage de l'Union socialiste arabe. La mainmise du parti sur l'Assemblée nationale est renforcée, le 13 janvier, par la promulgation d'un décret aux termes duquel le mandat parlementaire d'un député deviendrait caduc dès que celui-ci quitterait l'Union socialiste ou en serait exclu.

Dans le domaine économique, le gouvernement poursuit et développe une politique visant à augmenter la production et à assurer l'approvisionnement de la population en produits de consommation courante. Plusieurs accords intensifiant les échanges commerciaux sont conclus avec divers pays de l'Est ; le prix du coton acheté par l'État aux cultivateurs est sensiblement augmenté ; la production agricole s'accroît notamment en raison de la conversion de 820 000 feddans à l'irrigation pérenne, grâce aux eaux du haut barrage d'Assouan.