Dès la fin du mois de juillet 1967 a eu lieu à La Havane la conférence de solidarité latino-américaine (OLAS), qui a regroupé des représentants de la plupart des mouvements de guérilla, ainsi qu'un certain nombre de délégués des partis communistes latino-américains. En désaccord avec le soutien apporté par Cuba aux mouvements de guérilla, certains partis communistes fidèles à Moscou ont cependant refusé de faire le voyage (Venezuela, Equateur, Argentine, Brésil).

Critique de la « voie cubaine »

Ces absences n'empêchent pas de nombreux accrochages entre partisans de la lutte armée et défenseurs d'une ligne politique légaliste. Le conflit est particulièrement net lorsqu'est approuvée une résolution critiquant les relations commerciales et culturelles qu'entretient Moscou avec certains pays latino-américains en butte à des guérillas. Cette résolution n'est cependant pas rendue publique.

Son adoption intervenait un mois après le passage à La Havane de Kossyguine. Le président du Conseil de l'URSS, qui rentrait de la réunion américano-soviétique de Glassboro (Journal de l'année 66-67), aurait, au cours de ses entretiens, demandé en vain à Fidel Castro de mettre en sourdine l'appui de Cuba aux mouvements de guérilla.

Les relations soviéto-cubaines se dégradent après la réunion de l'OLAS. Cette conférence coïncide avec la publication dans la presse soviétique de plusieurs articles critiquant la « voie révolutionnaire cubaine ».

Les microfractionnistes

Le conflit dégénère au moment de la commémoration à Moscou du cinquantenaire de la révolution d'Octobre : ni Fidel Castro ni le président de la République cubaine, Osvaldo Dorticos, ne se rendent dans la capitale soviétique. Une délégation mineure, présidée par le ministre de la Santé, Machado, représente Cuba. Quelques semaines plus tard, Fidel Castro annonce le rationnement du carburant, dont la quasi-totalité est fournie depuis plusieurs années par l'Union soviétique.

Le problème de la lutte armée et celui des relations avec l'URSS entraînent une crise à Cuba même. Elle éclate au lendemain de la mort de Che Guevara.

L'opposition intérieure est neutralisée en décembre : dans le cadre d'une purge dirigée contre les microfractionnistes, 40 personnalités sont inculpées et condamnées. Leur chef, Anibal Escalante, dirigeant du parti communiste sous la dictature de Batista et rallié de la dernière heure à la révolution castriste, est condamné à 15 ans de prison au mois de février 1968.

Escalante a toujours défendu une alliance très étroite avec l'Union soviétique et critiqué le soutien aux mouvements de guérilla sur le continent. Au cours du procès des microfractionnistes, plusieurs fonctionnaires de l'ambassade soviétique à Cuba sont d'ailleurs mis en cause.

De la médecine à la révolution

Ernesto Che Guevara n'était pas issu du peuple, mais, comme beaucoup de révolutionnaires latino-américains, de la bourgeoisie qu'il allait combattre. Très jeune, Guevara se sépare de la jeunesse dorée de Buenos Aires ; il fait, à l'époque, ses études de médecine. Un peu plus tard, il quitte le cadre étroit de l'Argentine, paralysée par le péronisme. Sa médecine juste terminée, Ernesto Guevara commence à parcourir le continent, à la recherche du régime de ses rêves. Il croit un moment le trouver au Guatemala, mais doit bientôt fuir, lorsque, en 1954, le progressiste Arbenz est renversé par les forces conservatrices guatémaltèques, que soutiennent les États-Unis. Arbenz, pour le jeune Guevara, a fait une faute majeure en refusant d'armer les paysans. Il devait s'en souvenir.

L'expérience du Guatemala terminée, Guevara se réfugie au Mexique ; deux ans plus tard, il y rencontre un jeune avocat cubain, Fidel Castro, qui prépare un débarquement dans son pays pour lutter contre la dictature de Batista. Les deux hommes sympathisent, et, une nuit de décembre 1956, ils débarquent sur la côte cubaine. L'équipée des barbudos va se poursuivre jusqu'en 1959, jusqu'à l'entrée triomphale dans La Havane. Le monde entier entend parler pour la première fois du Che. Le Che est, en effet, nommé directeur de la Banque nationale de Cuba, puis ministre de l'industrie.