Il paiera de sa vie cette évolution, nécessaire selon lui pour rester en contact avec les masses noires. Il est assassiné le 4 avril, à Memphis (Tennessee).

L'assassinat du pasteur King entraîne une recrudescence des violences raciales ; dans les jours qui suivent, des heurts violents éclatent dans plus de cent villes américaines, notamment dans la capitale fédérale (où la population noire est la moins défavorisée des États-Unis), à Chicago, Oakland, Baltimore, New York, Detroit, Trenton. Contrairement aux violences de l'été précédent, la répression est exercée avec une certaine mesure. On ne déplore qu'une dizaine de victimes. Peu avant, la commission nationale d'enquête sur les violences raciales, que le président Johnson avait nommée au lendemain des émeutes de Detroit en juillet 1967, fait connaître ses conclusions. Elles sont extrêmement pessimistes et accablantes pour la communauté blanche, puisqu'elles concluent à l'existence de deux sociétés distinctes aux États-Unis et prévoient de nouveaux affrontements, plus durs encore, s'il n'est pas mis fin à cette situation de fait. La commission dénonce également les brutalités policières commises lors des répressions.

Ce rapport officiel, qui accuse pour la première fois le système américain de racisme, est relativement mal accueilli par le président Johnson, qui n'y fait que de rares allusions. La commission d'enquête était présidée par le gouverneur de l'Illinois. Otto Kerner. Elle ne comprenait pourtant que des personnalités modérées.

Le pasteur Martin Luther King

Le pasteur King préparait la grande marche des pauvres sur Washington lorsqu'il est tué à Memphis (Tennessee). Il y était venu pour soutenir la grève des éboueurs de la ville, en très grande majorité des Noirs. L'enquête piétine tout d'abord. Deux mois plus tard, un mystérieux suspect aux multiples identités et aux signalements différents est arrêté à l'aéroport de Londres. James Earl Ray, allias Eric Starvo Galt, dont l'extradition est demandée par les États-Unis, est un gangster de faible envergure, plusieurs fois condamné pour de petits larcins. Comment a-t-il pu préparer seul et réaliser le crime de Memphis ? Comment a-t-il pu, ensuite, échapper aux polices de plusieurs pays ? Où s'est-il procuré l'argent nécessaire à ses innombrables déplacements ? Autant de questions auxquelles le FBI n'a pas répondu et qui ne permettent pas, pour l'instant, d'écarter la thèse du complot.

Un Noir maire de Cleveland

Conscient de l'impopularité des revendications noires, le président Johnson ne peut obtenir du Congrès l'adoption d'une loi luttant contre la ségrégation dans la vente et la location des logements qu'après l'assassinat du pasteur King (il devait en être de même en ce qui concerne le contrôle de la vente des armes à feu au lendemain de l'assassinat de Robert Kennedy). Au lieu d'être accentuée, la guerre contre la pauvreté, pièce maîtresse de toute politique visant une amélioration du sort de la communauté noire, n'est pas développée, faute de crédits — accaparés par le coût croissant de la guerre au Viêt-nam — et faute d'une volonté réformiste de la part des législateurs, sensibles au courant anti-noir qui se développe.

L'Administration perd également deux hommes d'importance : Sargent Shriver, beau-frère de John et de Robert Kennedy, abandonne la direction de la guerre contre la pauvreté pour l'ambassade de Paris, et Gardner démissionne du poste de secrétaire à la Santé, à l'Éducation et au Bien-Etre pour regagner le secteur privé. Gardner entendait ainsi manifester son hostilité à une politique accordant des crédits illimités à la Défense nationale, au détriment de réformes intérieures indispensables. Peu avant sa démission, les villes de Cleveland et de Gary avaient élu des maires noirs. C'était la première fois que des villes américaines d'importance portaient des Noirs à ces fonctions.

L'Angleterre seule reste fidèle

Alors que le président Johnson fait face à ces difficultés intérieures (aggravées par le refus, jusqu'en juin 1968, du Congrès de voter une surtaxe fiscale de 10 % indispensable à la lutte contre l'inflation et au financement de la guerre du Viêt-nam), la situation internationale des États-Unis ne cesse de se dégrader. Là encore, cette évolution est due au conflit vietnamien, de très nombreux pays ayant pris position en faveur d'un arrêt inconditionnel des bombardements contre le Viêt-nam du Nord. Tels, notamment, la Norvège, la Suède, l'Éthiopie, les Pays-Bas et, bien sûr, la France.