Ce grenier de l'Europe offre aussi la particularité d'avoir le moins de consommateurs nationaux à nourrir. La France est, en effet, moins peuplée que la plupart de ses partenaires européens au kilomètre carré.

De même, la superficie des terres cultivables par personne active est de loin la plus importante en France (trois fois plus qu'en Italie et deux fois plus qu'en Allemagne).

Avec des prix agricoles ajustés en hausse afin d'être harmonisés avec la moyenne européenne, l'agriculture française devrait — tout en poursuivant une mutation inéluctable — être en mesure d'utiliser sa réserve de puissance pour conquérir les marchés de ses partenaires.

Mais, et cela situe l'importance de l'enjeu, les ambitions de l'agriculture française devront se situer également au-delà des frontières des Six.

Les industries alimentaires

Pour de nombreux produits (le lait, par exemple, qui à lui seul représente 20 % du chiffre d'affaires agricole), les productions européennes sont déjà excédentaires, et il faudra augmenter considérablement — en bénéficiant d'ailleurs du financement européen — les ventes aux pays tiers.

Un autre facteur sera décisif pour l'agriculture française (dont le revenu a progressé d'environ 5 % en 1966) : la modernisation des industries agricoles et alimentaires.

Surproductrice pour la plupart des matières premières agricoles de base, la France risque, en effet, d'être débordée par les industries alimentaires des autres pays du Marché commun ou d'être dominée par les investisseurs étrangers, qui prendront position dans ce secteur si des efforts vigoureux ne sont pas entrepris pour moderniser les entreprises.

Deux objectifs : remembrer les terres, maîtriser l'exode des jeunes

Le nombre des paysans continue de diminuer : un travailleur sur six, à peine, cultive la terre en 1967 ; on comptait un paysan sur trois travailleurs dans la France de 1946, un sur quatre en 1956 et un sur cinq en 1962.

En 1965, la population active agricole totale est évaluée à 3 403 000 personnes.

Parallèlement, le nombre des exploitations agricoles régresse. Le recensement agricole de 1955 en dénombrait 2267 000 ; celui de 1963, 1 900 000 ; ce qui représente une diminution de 50 000 exploitations par an. Le rythme est depuis lors un peu plus faible : de l'ordre de 40 000 par an. On évalue à 1 775 000 en 1966 le nombre des exploitations agricoles.

Une enquête, en cours, sur les structures agraires dans les six pays du Marché commun permettra de comparer l'intensité de ce mouvement de concentration.

Maîtriser l'exode rural

Depuis 1962, les pouvoirs publics s'efforcent de maîtriser l'exode agricole, selon les obligations de la loi complémentaire agricole et grâce aux ressources du Fonds d'action sociale pour l'amélioration des structures agricoles (FASASA) ; 166 millions de francs de crédits étaient inscrits à ce titre dans le budget du ministère de l'Agriculture en 1966, et 250 millions en 1967.

Il s'agit de hâter la mise à la retraite des exploitants âgés qui, en libérant des terres, facilitent l'agrandissement des fermes trop petites, d'encourager l'installation d'émigrants dans les régions délaissées, d'accélérer la reconversion des agriculteurs en surnombre dans d'autres professions.

Deux des dispositions du FASASA voient leurs modalités d'application définies en 1966 et mises en œuvre en 1967.

Les agriculteurs qui vivent dans des régions déshéritées et dont la présence est indispensable à l'équilibre biologique du sol bénéficient d'aides compensatoires. Ceux qui doivent se maintenir sur des exploitations trop petites peuvent percevoir des allocations spéciales d'entretien en vue de faciliter l'instruction et la formation professionnelle de leurs enfants.

Conformément aux recommandations du Ve Plan, l'accent est mis sur l'octroi de l'indemnité viagère de départ aux exploitants âgés.

Indemnités de départ

À la date du 1er mai 1967, 84 378 indemnités ont été accordées depuis l'origine de l'institution sur 118 865 demandes déposées. Le montant total des indemnités versées se chiffre à 125 463 525 F ; la moyenne de chaque indemnité accordée est de 1 486 F.