différance

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».

Métaphysique

Terme introduit par J. Derrida pour penser simultanément une non-identité et un détour, un différer et un temporiser, renvoyant à un jeu d'espacement plus radical que les oppositions métaphysiques du type sensible / intelligible, signifiant – signifié, etc.

Permettant d'ébranler le concept de structure et la thèse saussurienne selon laquelle la différence est origine de la valeur linguistique, la différance est ce jeu des différences, cet espacement en lequel les éléments se rapportent les uns aux autres, excédant les oppositions métaphysiques qui subordonnent le mouvement de la différance à un signifié transcendantal.

Il s'agit du mouvement par lequel toute langue et tout système se constituent comme tissu de différences selon la logique de la métaphysique telle que Heidegger la conçoit, articulée en sa constitution onto-théologique selon la différence ontico-ontologique. L'hégémonie de la présence et de la conscience comme son mode le plus éminent est ainsi remise en cause. Espacement, supplément ou trace, la différance ouvre l'apparaître et la signification en récusant toute origine absolue du sens. Se référant à Freud, pour qui l'inconscient se diffère en déléguant des représentants, et à Heidegger, pour qui l'oubli fait partie de l'essence de l'être par lui voilée, Derrida essaie de penser une instance aneidétique plus vieille que l'être et procédant d'une rature de l'origine.

Jean-Marie Vaysse

Notes bibliographiques

  • Derrida, J., De la grammatologie, Paris, 1967.
  • Derrida, J., Marges de la philosophie, Paris, 1972.
  • Derrida, J., Positions, Paris, 1972.

→ être, heideggerianisme, structure




différence spécifique


Du latin differentia specifica, traduction du grec eidopoios : « qui constitue une espèce ».

Philosophie Antique, Philosophie Médiévale

Caractère qui distingue une espèce des autres espèces appartenant au même genre, un des cinq universaux, ou prédicables.

Le terme apparaît essentiellement dans les développements aristotéliciens sur la définition(1). La différence (diaphora) est, en effet, constitutive de la définition par division qui ne comporte rien d'autre que le genre premier et les différences(2). Le genre est principe d'unité ; la différence est l'altérité propre au genre (et non différence de genre), elle correspond au fait que le genre est diversifié en espèces(3) (par exemple, le genre animal est commun à l'homme et au cheval, qui diffèrent par l'espèce). En ce sens, la différence est de nature générique(4) : c'est pourquoi, dans les Topiques, Aristote ne considère que quatre prédicables : la définition, le propre, le genre et l'accident. À cette liste, Porphyre ajoute l'espèce et substitue la différence (diaphora) à la définition. Les différences spécifiques (eidopoioi), précise-t-il, appartiennent par soi à la chose et en sont inséparables, elles la rendent spécifiquement autre. Elles sont à la fois productives des espèces – « être capable de raison » fait exister l'espèce « homme » – et diviseuses des genres – « être capable de raison » divise le genre « animal »(5) –, le résultat de cette division correspondant à l'espèce.

Annie Hourcade

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Topiques, VI, 6, 143 b 8.
  • 2 ↑ Aristote, Métaphysique, VII, 12, 1037 b 30.
  • 3 ↑ Aristote, id., X, 8, 1058 a 7.
  • 4 ↑ Aristote, Topiques, I, 4, 101 b 18.
  • 5 ↑ Porphyre, Isagoge, III, 1-8.
  • Voir aussi : Porphyre, Isagoge. Texte grec, Translatio Boethii, traduction par A. De Libera et A.-Ph. Segonds, introduction et notes par A. De Libera. Paris, 1998.

→ définition, espèce, genre, prédicable, universaux




différence des sexes


En allemand : Geschlechtsunterschied, composé de Geschlecht, « sexe biologique », « genre », et Unterschied, « différence », de scheiden, « couper », « séparer ».

Psychanalyse

Réalité biologique incontournable, la différence des sexes n'est pas une réalité psychique évidente, comme le montre l'universelle diversité des pratiques sexuelles. L'altérité des sexes, c'est-à-dire le fait d'être assigné à un seul des deux sexes est une atteinte à la toute-puissance, et sa reconnaissance, un travail psychique difficile – compte tenu, en outre, des bisexualités psychique et somatique.

L'enfant petit ne connaît qu'un sexe : le sien. Confronté à la constatation sidérante de la différence des sexes, il élabore toutes sortes de défenses : théories sexuelles infantiles, fantasmes, organisation génitale infantile phallique. À la phase phallique, il n'y a, pour les deux sexes, qu'un sexe : le phallus – ou rien. Ainsi se comprennent terreur de la castration et envie du pénis, qui procèdent de ce moment.

La psychanalyse montre que l'assomption de son propre sexe est un travail psychique incessant : elle regarde diverses attitudes sexuelles, telles l'homosexualité, le travestissement, le transsexualisme, mais aussi l'hétérosexualité, comme autant de tentatives de compromis face à un conflit insoluble.

Christian Michel

→ déni, fantasme, fétichisme, « névrose, psychose et perversion », phallus, sexualité