Moyen-Orient

Hormis la mouvance islamiste et les activistes de Syrie, d'Irak et d'Iran, l'ordre américain qui s'étend sur la région ne fait l'objet d'aucune contestation sérieuse. Cette emprise américaine favorise la continuation du processus de paix israélo-arabe, que ne semble pas devoir remettre en cause l'assassinat d'Yitzhak Rabin. Le rapprochement entre l'Europe et la Turquie reste quant à lui suspendu aux efforts de démocratisation d'Ankara.

Israël et les territoires

Accords et désaccords

La poursuite d'un « processus de paix » israélo-palestinien mis en route à Oslo en 1993 reste dans chaque camp un enjeu politique prioritaire et l'objet de vives contestations. Le gouvernement d'Yitzhak Rabin, qui prépare les élections législatives de 1996, affronte deux types d'opposition en Israël : celle des annexionnistes radicaux entraînés par les colons extrémistes de Cisjordanie et de Gaza et celle, politique et parlementaire, dirigée par le chef du Likoud Benyamin Netanyahou. Pour désarmer leur contestation, Y. Rabin limite à l'extrême les concessions attendues depuis la déclaration de principe sur l'autonomie des territoires occupés (Oslo, 1993) et en ajourne systématiquement les échéances. À la faveur du temps ainsi gagné, les Israéliens renforcent leur présence dans les territoires occupés et envisagent même de saisir une cinquantaine d'hectares supplémentaires de terres dans la partie arabe de Jérusalem. Dûment saisi, le Conseil de sécurité de l'ONU aurait même condamné Israël, n'eût été un veto américain (mai). Ce veto illustre bien le soutien inconditionnel de Washington à Israël, déjà symbolisé par la nomination comme ambassadeur de Martin Indyk, dirigeant de l'American Israel Public Affairs Committee (AIPAC).

En face, le pouvoir de Yasser Arafat, chef d'une Autorité palestinienne partiellement autonome, reste fragile. Il n'a actuellement pas d'autre légitimité que celle qu'il détient de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), alors que l'existence de celle-ci est par nature en sursis. La réalité de son pouvoir tient à l'efficacité d'une police de près de 20 000 hommes, parfois soupçonnée de collaborer avec les services israéliens, aux rigueurs d'une « Cour de sûreté de l'État » et, surtout, aux effets d'une lassitude générale de la population palestinienne. Sévèrement réprimés, les militants islamiques de Gaza semblent donner des signes de modération. L'année avait cependant fort mal commencé avec les 21 morts de l'attentat suicide de Netanya (22 janvier). D'autres attentats ont suivi dans la bande de Gaza en avril, près de Tel-Aviv en juillet et à Jérusalem en août.

Gouvernement israélien et Autorité palestinienne n'en poursuivent pas moins leurs laborieuses négociations. Un premier accord signé au Caire (août) transfère à l'Autorité palestinienne certaines compétences civiles. Un deuxième, conclu à Taba (au Sinaï, en Égypte) et signé à Washington (28 sept.), prévoit pour une nouvelle période « intérimaire », devant théoriquement s'achever en mai 1997, un découpage qui distingue les villes, les villages et les campagnes « inhabitées ». Dans les villes, à l'exception d'Hébron, où les militaires israéliens continueront d'assurer la sécurité des colons juifs, l'administration et le maintien de l'ordre passent sous la responsabilité de l'Autorité palestinienne. Dans les villages « arabes », celle-ci ne disposera que de pouvoirs « civils ». Partout ailleurs, les attributions d'Israël demeurent inchangées, notamment en ce qui concerne la sécurité des 170 000 colons et le contrôle de 70 % des sols. L'accord prévoit d'autre part que seront élus, au suffrage universel, un chef de l'exécutif palestinien et un « conseil » de 82 membres investis de pouvoirs législatifs limités. Dans un climat dépourvu de confiance réciproque, la libération d'un millier de détenus palestiniens prévue par l'accord de Taba est entravée, le « redéploiement militaire » connaît des contretemps, l'interdiction d'accès de Jérusalem aux Palestiniens non résidents est maintenue, la liberté de circulation entre Cisjordanie et Gaza n'entre pas en vigueur. D'un point de vue économique, le « bouclage » des territoires prive de leur emploi en Israël des dizaines de milliers de travailleurs palestiniens, notamment de Gaza. Un régime discriminatoire d'accession aux ressources hydrauliques ajoute encore à l'amertume des Palestiniens et dévalorise à leurs yeux l'accord de Taba.

L'assassinat d'Yitzhak Rabin

Le 4 novembre, Yitzhak Rabin est assassiné par un ultranationaliste juif à Tel-Aviv, lors d'une manifestation de soutien au processus de paix. Son assassin déclare avoir agi de son propre chef, « sur ordre de Dieu ». Mais, alors qu'une partie importante de l'opinion israélienne s'oppose encore à toute forme de restitution des territoires occupés, son acte rappelle jusqu'où cette hostilité peut aller. Paradoxalement, la mort d'Yitzhak Rabin donne aux dirigeants arabes l'occasion d'affirmer spectaculairement leur soutien au processus de paix. Si Yasser Arafat n'assiste pas aux obsèques du Premier ministre israélien, Hussein de Jordanie et le président égyptien Hosni Moubarak viennent lui rendre hommage, se rendant ainsi pour la première fois dans un territoire sous souveraineté israélienne. Shimon Peres succède à Yitzhak Rabin au poste de Premier ministre. C'est à lui que reviendra la double tâche de poursuivre le dialogue israélo-palestinien et de mener le Parti travailliste aux élections législatives de 1996.