Le diagnostic prénatal pose en fait des questions à toute la société, car il contient en germe un certain risque d'eugénisme : l'interdiction de faire naître un handicapé, l'extension de la notion de handicap à des anomalies curables mais coûteuses. Ce risque, c'est à la fois aux médecins, aux parents... et aux autres d'y parer.

Greffes : le déséquilibre

La loi du 22 décembre 1976 a rendu implicite l'autorisation de prélèvements sur cadavres humains, sauf avis contraire clairement exprimé par le donneur involontaire. Mais, en 1985, alors que les transplantations ont fait d'immenses progrès (notamment grâce à la ciclosporine, médicament permettant d'éviter une grande partie des rejets de greffes), il y a pénurie d'organes à greffer. Deux obstacles l'expliquent. L'un est technique : malgré la multiplication des associations, tant à l'échelle française qu'à l'échelle internationale, il reste difficile de trouver un organe compatible « à la demande ». Mais l'autre obstacle est psychologique : même avec la certitude du décès, la famille du mort s'oppose encore souvent au prélèvement.

À ce problème s'est récemment ajouté celui de l'utilisation d'embryons ou de tissus fœtaux. Ces derniers ont permis notamment de faire sortir de leur « bulle » stérile des enfants atteints de graves déficits immunitaires.

Certains ont proposé que ne soient utilisés que des produits d'avortement spontanés et non d'IVG. Mais de tels tissus risquent justement d'être impropres à la greffe. Et le débat sur l'avortement volontaire a rebondi une nouvelle fois : où, quand commence la personne humaine ? Le législateur devra-t-il trancher ? Osera-t-il le faire ? Le Comité national d'éthique a formulé à ce sujet un avis. Il en ressort d'abord que l'embryon ou le fœtus doit être reconnu comme « une personne humaine potentielle ». Il ne peut faire l'objet d'expériences in utero, ni d'une commercialisation et ne doit pas être maintenu en vie artificiellement, même à des fins scientifiques. En cas de prélèvements de tissus d'embryons ou de fœtus provenant d'une IVG, les médecins appelés à y participer peuvent s'y refuser en invoquant une clause de conscience. L'utilisation de tels tissus est légitime dans trois cas :
– examens diagnostiques ;
– traitement dont la nécessité et l'efficacité sont manifestes ;
– recherches à visée thérapeutique approuvées par un comité d'éthique.

Les prélèvements ne sont licites que lorsque la non-viabilité du fœtus est certaine, et la mère ou le père peuvent de toute façon s'y opposer. En conclusion, le Comité appelle les pouvoirs publics à limiter strictement ces pratiques, bien que celles-ci soient, dans certains cas, nécessaires.

En somme, comme l'Ordre des médecins, le Comité national a, dans des limites bien définies, donné son accord aux prélèvements de tissus fœtaux. Des réactions défavorables se sont fait jour, certains craignant « la transformation des fœtus en médicaments ou en objets de laboratoire ». Mais les médecins s'occupant des enfants atteints de déficit immunitaire congénital nécessitant une greffe de tissu fœtal et les parents de ces enfants se réjouissent des possibilités à présent offertes.

Sur l'homme... Sinon, sur qui ?

L'expérimentation humaine existe depuis toujours en médecine. Elle en est même une condition sine qua non. Mais elle a, hélas, été entachée par les expériences nazies, dont procédés et objectifs étaient opposés au respect de l'homme et même à la raison scientifique. Elle n'en reste cependant pas moins nécessaire. On aura beau utiliser des milliers et des milliers d'animaux, rats, souris, chiens, singes... on n'en obtiendra que des renseignements capitaux certes, mais insuffisants. Les simulations par ordinateur du fonctionnement de l'organisme humain et des effets provoqués par un médicament apporteront sans doute des éléments originaux, mais notre métabolisme est trop complexe pour être entièrement prévisible, du moins à partir des connaissances physiologiques et des moyens informatiques actuels. Non seulement le principe même de l'utilisation de cobayes humains pose problème, mais encore ses conditions sont discutées. L'expérimentation médicamenteuse sur l'homme sain constitue un chapitre important de la question. Il s'agit en effet de la première et essentielle étape de tout essai sur l'homme, la « phase I ». Celle-ci est destinée à déterminer les principaux effets d'un produit sur l'organisme, et les transformations que, réciproquement, l'organisme fait subir à ce produit.