Mais il en est d'autres, dont les personnalités différentes donnent une image de plus en plus riche du « huitième art ». En 1983, Bernard Brochant, vice-président d'Havas, sortait son Publicitor (Dalloz) dans les librairies, montrant que la publicité n'est pas seulement le royaume de l'imagination et de la création, mais aussi le temple de la réflexion et du rationnel. Une impression confirmée par la sortie des mémoires du « pape » américain la Publicité selon David Ogilvy (Dunod). En 1984-1985, deux autres livres enfonçaient un clou déjà solidement implanté dans les esprits : avec le Saut créatif (Jean-Claude Lattès), Jean-Marie Dru révélait « Ces idées publicitaires qui valent des milliards », ou la façon de transcender le message en lui donnant une forme capable de frapper le conscient et l'inconscient ; avec Quand la publicité est aussi un roman (Hachette), Pierre Lemonnier démontrait que la meilleure création du monde ne peut rien sans l'aide des études d'attitude ou de comportement des consommateurs.

À côté (ou en même temps) qu'elle se raconte dans des livres, la publicité se fait connaître par quelques-uns de ses membres les plus éminents, qui, parés du titre de « conseil en communication », mettent leur expérience au service des hommes politiques en mal d'image Par ce biais-là, les Claude Marti, Michel Bongrand, Élie Crespi, Bernard Rideau, etc., donnent à la profession une autre dimension, à la fois plus humaine et plus controversée. Car l'assimilation d'un individu (fût-il un homme public) à un produit de grande consommation est une démarche encore un peu hardie et entachée d'immoralité pour une majorité des Français. Mais cela n'empêche pas que, globalement, la publicité est en train, depuis un an ou deux, de réussir sa propre publicité.

Les 7 événements publicitaires qui ont marqué 1985

Les professionnels de la publicité se réunissent chaque année pour sélectionner les meilleurs campagnes, les agences ou les individus (créatifs, directeurs artistiques, patrons d'agence, etc.) les plus méritants. Les deux principaux supports de la profession (Stratégies et Médias) se font largement l'écho de ces manifestations, dont ils sont d'ailleurs souvent les organisateurs. Pour notre part, nous avons préféré sélectionner, dans la multitude des campagnes et événements publicitaires de toutes sortes qui ont jalonné l'année 1985, ceux qui nous paraissent avoir une signification sociologique particulière. C'est-à-dire révéler quelques-unes des caractéristiques les plus contemporaines de la société français. Les voici présentés par ordre chronologique.

1. 29 au 31 janvier.
Le salon du Marketing Direct s'institutionnalise

Depuis plusieurs années, le salon du Marketing Direct permet à tous les professionnels de la vente par correspondance (courrier, téléphone, catalogues, Minitel, etc.) de faire le point sur l'évolution des techniques, sur l'expansion du marché, sur le nombre et la qualité des sociétés opérant dans ce secteur. L'édition 85 aura vu un accroissement significatif du nombre des stands, de la fréquentation, du nombre des participants aux différentes réunions, débats, ateliers. Autant de démonstrations de l'intérêt croissant de ces techniques appelées à un énorme développement dans les prochaines années. Le Marketing Direct aura acquis en 1985 ses vraies lettres de noblesse. Celles qui font passer une manifestation au rang d'institution, reconnue par l'ensemble d'une profession.

2. 1er avril.
L'encart sonore IBM fait s'envoler les ventes du « Point »

On savait que la publicité faisait vivre les journaux, dont elle représente souvent plus de la moitié des revenus. On ne savait pas qu'elle pouvait aussi les faire vendre. C'est pourtant ce qui est arrivé à l'hebdomadaire le Point, à qui IBM avait demandé d'encarter une reproduction de son ordinateur personnel PC, clignotante et musicale grâce à une puce intégrée. Conscient de l'impact possible de ce gadget sur ses lecteurs, le Point avait d'ailleurs, cette semaine-là, fait sa publicité (radio) en partie sur... la publicité IBM. En quelques heures, tous les exemplaires étaient vendus, et il fallut procéder à un nouveau tirage. Après Pif et son gadget, destiné aux enfants, un hebdomadaire sérieux démontrait que la « gadgétomanie » ne s'est pas arrêtée avec les porte-clefs. Et surtout que publicité et technologie sont des alliées naturelles. Il faut d'ailleurs s'attendre à ce que leur collaboration soit de plus en plus fréquente et créative.

3. 28 avril.
Un spot publicitaire commenté en direct par le président de la République

« Que pensez-vous du dernier film publicitaire de Citroën ? » La question était posée par Yves Mourousi à François Mitterrand au cours de l'émission Ça nous intéresse, Monsieur le Président sur TF1, qui inaugurait un nouveau genre télévisuel, en même temps qu'elle tentait de donner de F. Mitterrand une nouvelle image, plus jeune, plus « branchée », plus intime, plus proche des Français. Au total, 22 thèmes étaient abordés, sans autre lien apparent que celui de l'actualité. Parmi eux, la « pub » trouvait naturellement sa place. Mourousi diffusait l'intégralité du film Citroën (« les Chevrons sauvages ») réalisé par RSC et G, l'agence de Séguéla, interrogeant ensuite le président sur l'automobile et la publicité. Le tout devant 20 millions de téléspectateurs, un « cadeau » que l'on peut estimer à plus de 300 000 F pour l'annonceur, beaucoup plus si l'on y ajoute les commentaires des jours suivants dans la presse. Pour la première fois au cours de l'année, le président de la République servait de faire-valoir à une marque. Ce sera encore le cas, en juillet, lorsqu'il photographiera le Tour de France avec l'appareil Pentax d'un des membres de son cabinet.

4. Juin.
La Sécurité routière s'intéresse plus aux Français qu'au français

Si les Français ont tendance à ne plus respecter les institutions, celle-ci ont, semble-t-il, de moins en moins le respect du français. De la langue française, s'entend, dans sa pureté classique et éternelle. Déjà, le slogan de la lutte antialcoolique (« Un verre, ça va, 3 verres, bonjour les dégâts ») avait déchaîné les passions et fourni un bon sujet de discussion dans les... cafés du commerce. En juin 1985, le ministère de l'Urbanisme, du Logement et des Transports lançait une autre campagne « branchée » pour faire passer les messages de prudence de la Sécurité routière : « Quand on s'aime, on roule coule » ; « Poussez pas, on n'est pas des bœufs » ; « On n'est pas aux pièces » ; « On se calme, on se calme ». Les réactions ne se faisaient pas attendre : tonnerre des puristes de la langue de Molière ; indignation des académiciens, qui écrivirent même au président de la République pour déplorer que les pouvoirs publics « cèdent à la facilité d'employer des locutions incorrectes, triviales et certaines passées de mode ». Le débat s'instaurait dans les médias entre les partisans des slogans-chocs que le public (surtout les jeunes, particulièrement visés par cette campagne) retient mieux, et les inconditionnels de l'imparfait du subjonctif...