Face à ces nouvelles opportunités et au nouveau type de relations qu'elles permettent d'avoir avec les annonceurs, avec les supports et surtout avec le public, les publicitaires ont eu aussi le mérite de les adapter à un contexte sociologique en complète mutation. Beaucoup ont cherché à comprendre les « cibles » auxquelles ils devaient s'adresser avant de chercher à leur parler. Des organismes comme la CCA (Centre de communication avancé) ou la COFREMCA y ont largement contribué. Même si cette démarche est évidemment guidée par un souci d'efficacité, elle conduit à des messages plus « vrais », plus « près de la vie », donc plus crédibles. Et, en tout cas, plus révélateurs que jamais de l'époque dans laquelle ils s'inscrivent. On ne parle plus aujourd'hui à un « prospect » comme à un « pigeon ». On le respecte parce qu'on le connaît, on le valorise parce qu'on l'estime.

Et puis, la publicité, forte de cette confiance qui lui avait été si longtemps refusée, a su tranquillement se poser en institution. Ses manifestations, auparavant limitées à ses propres membres, s'adressent aujourd'hui à ceux qui ne font pas partie du club. La pub a son musée (celui de l'affiche) ; elle a ses remises de prix organisées par des magazines comme Télé 7 Jours ; elle a sa critique dans les grands quotidiens (Libération, le Figaro, le Quotidien de Paris...) ; elle a sa « nuit », au cours de laquelle les Parisiens peuvent assister à la projection « non-stop » des spots télé et cinéma ; elle est appréciée et reconnue par un ministre de la Culture très publiphile : « J'adore les pubs. Elles sont belles, ingénieuses. Le graphisme est de qualité. Oui, c'est de l'art », dit Jack Lang.

Les Français sont aujourd'hui capables de « décoder » les messages publicitaires

Dans toute communication, il y a des règles, implicites ou explicites, qui permettent à l'émetteur et au récepteur de se comprendre. Dans le langage courant, cela se traduit par un vocabulaire, une syntaxe, une grammaire. Personne n'a jamais appris aux Français à lire un magazine, écouter la radio, regarder la publicité. Il leur a donc fallu du temps, c'est-à-dire de l'expérience, pour évaluer correctement la nature et la signification des messages qui leur sont adressés.

La difficulté de ce décodage de l'information est d'autant plus grande que la publicité ne fonctionne pas sur un mode classique. Elle fourmille de clins d'œil, de seconds degrés, d'allusions, de références culturelles, que chacun n'est pas forcément prêt à interpréter naturellement. Et, surtout, elle ne fonctionne pas sur un mode unique. Elle peut intéresser notre imagination, notre intuition, notre sensibilité, notre sens de l'humour ; elle peut aussi s'adresser à notre raisonnement, à notre intelligence, à notre rigueur d'esprit. C'est-à-dire, dans le premier cas, parler plutôt à l'hémisphère droit de notre cerveau et, dans le second, à l'hémisphère gauche.

Comme tous les processus d'apprentissage, celui de la communication publicitaire s'est fait en tâtonnant, par des essais successifs. Avec, parfois, de réelles difficultés, beaucoup d'incompréhensions, quelques déceptions. D'où l'idée, courante pendant des décennies, que la publicité ment, qu'elle manipule, voire même qu'elle « rend con » (c'était un titre de Charlie Hebdo)... Aujourd'hui, les Français ne prétendent pas que la pub rend intelligent. Mais ils sont de plus en plus convaincus qu'elle rend moins ignorant (de l'existence des produits et des services qu'ils peuvent rendre), qu'elle permet de rêver, de rire, de se distraire. Quant à l'exagération, caractéristique de ce mode de communication, elle ne choque plus dans la mesure où chacun peut, grâce à son expérience personnelle, remettre les choses à leur vraie place, rétablir les hiérarchies ; conscient que cette exagération dans le bien, qui est propre à la publicité, représente une compensation salutaire à l'exagération dans le mal dont l'actualité donne chaque jour le triste exemple !

Ainsi s'est donc installé entre les entreprises, leurs produits, les messages publicitaires qui les vantent et le public, une sorte de code qui permet à ce dernier de recevoir chaque jour les messages publicitaires sans craindre que ce soient des colis piégés.

La Pub de la pub

La pub a ses gourous. Des personnages tout illuminés de l'amour de leur métier, qui ont décidé de le faire partager aux autres. Le plus célèbre d'entre eux est bien sûr Jacques Séguéla dont la « séguélomanie » est véhiculée par trois livres aux titres chocs : Ne dites pas à ma mère... ; Hollywood lave plus blanc et Fils de pub, tous trois chez Flammarion.