Au départ, le leader des mineurs — baptisé par la presse populaire « le roi Arthur » ou « King coal » — semble se battre pour une cause perdue. Les charbonnages sont en déclin, comme partout ailleurs en Europe occidentale, et les gueules noires britanniques, qui étaient 600 000 voici 20 ans, sont trois fois moins en 1984...

De surcroît, le plan de restructuration de I. MacGregor paraît bien étudié : fermetures de puits étalées dans le temps, mises à la retraite anticipée des mineurs les plus âgés, primes de départ alléchantes ou requalification pour les plus jeunes, etc. L'opposition travailliste, elle-même, ne proteste guère, puisque, en 11 ans de gouvernement (1964-1970, 1974-1979), le Labour Party a fermé 300 puits environ, alors que les conservateurs, en 9 ans (1970-1974, 1979-1984), n'en ont fermé que 92...

Mais c'est compter sans l'incroyable persévérance d'Arthur Scargill. Refusant obstinément de consulter la base à bulletins secrets, traitant de « jaunes » les quelque 50 000 mineurs qui continuent le travail malgré les mots d'ordre, s'entourant d'une sorte de garde rouge chargée de dresser des piquets de grève dans les endroits les plus chauds, rappelant inlassablement les autres syndicats à leurs devoirs de solidarité, il parvient à faire du conflit des houillères le point de référence obligé de la vie nationale.

Un débat national

Lors des grands congrès de la rentrée, en septembre et octobre, le TUC (l'intersyndicale britannique), puis, successivement, les partis social-démocrate, libéral, travailliste et conservateur consacrent de longues heures de débat au problème des mineurs. Même l'Église anglicane prend position : l'évêque de Durham avertit le gouvernement qu'une « défaite » des mineurs serait la pire des choses et l'archevêque de Canterbury met en garde le pouvoir contre « les dangers de l'autoritarisme ».

Le gouvernement a beau condamner la violence qui sévit aux abords des puits (la grève, au cours de ses six premiers mois, a fait 2 morts, 1 300 blessés et provoqué 5 000 arrestations), encourager les mineurs non grévistes à poursuivre le travail, réaffirmer que son combat est le bon et que la Grande-Bretagne ne saurait se transformer en « musée industriel », souligner les divisions du monde syndical dans son soutien aux gueules noires (hormis deux grèves successives des dockers durant l'été, ce soutien est surtout verbal et financier), rien n'y fait : le conflit s'éternise.

Le roi Arthur obtient un triomphe au congrès annuel du parti travailliste, à Blackpool, en dénonçant la violence de la police d'État « contre des hommes dont le seul crime est de lutter pour leur droit au travail ». Plus que la validité de ses idées, son obstination subjugue la base du Labour Party dont le leader, le modéré Neil Kinnock, se trouve tout à coup placé en porte à faux. « Les mineurs, affirme A. Scargill, ne céderont jamais ! »

Alors, on fait les comptes : selon des experts de la City, la grève, en septembre, a déjà coûté plus de 18 milliards de F à l'État, contribué à une hausse de 0,5 % du taux annuel d'inflation et freiné de 1 % la croissance du PNB. Quant aux stocks de charbon, ils se montent — toujours selon les mêmes experts — à 40 millions de t, dont 18 millions bloqués près des puits en grève et 16,5 millions entassés aux abords des centrales thermiques.

Les réserves sont donc, normalement, suffisantes pour passer l'hiver sans coupures de courant. Mais seront-elles utilisables ? Les grévistes permettront-ils qu'on y touche ? La question est importante, car les centrales électriques, en effet, sont les principales consommatrices de charbon en Grande-Bretagne. Elles absorbent près de 80 % de la production nationale. Or, en octobre, elles ne recevaient que 400 000 t seulement par semaine, contre 1,6 million l'an passé. D'où les achats à l'étranger de charbon (en Pologne, notamment) et de pétrole, pour éviter de puiser trop tôt dans les stocks...

Fin novembre cependant, la grève semble s'effriter. Près de 10 000 mineurs reprennent le travail. Le NCB les a certes alléchés par la promesse de grosses primes de Noël, mais ce n'est pas la seule raison de leur retour à la mine. Les contacts noués par leur syndicat avec l'URSS et surtout avec la Libye pour obtenir des fonds leur ont fortement déplu. Et puis, il y a la lassitude et l'impression qu'A. Scargill a laissé passer les meilleures chances de compromis.

Mutations : demain, la Grande-Bretagne

Il a suffi qu'une réduction du prix du pétrole brut de la mer du Nord soit annoncée pour que la livre sterling plonge à son plus bas cours historique par rapport à la monnaie américaine (1,85 dollar le 18 octobre) et que la City enregistre en une seule séance une baisse des cours particulièrement importante. C'est que le durcissement de la situation sociale dépasse le grave conflit des mineurs.