Cette décision adoucit les griefs de Pékin envers Washington : vente de 530 millions de dollars d'armes à Taiwan, manifestation d'étudiants contestataires chinois aux États-Unis, asile politique accordé à la championne de tennis Hu Na, restrictions aux importations de textiles chinois jusqu'à la signature d'un nouvel accord fin juillet après de longs mois d'impasse, etc. Alors, par contrat, American Motors va construire des Jeeps en Chine et Occidental Petroleum, Exxon et Shell vont rechercher du pétrole. La Chine peut reprendre ses achats de produits agricoles américains et poursuivre sa politique d'équilibre entre Washington et Moscou.

Avec l'URSS, quelques signes ponctuels de détente apparaissent : participation soviétique à la Conférence internationale sur le tourisme à Pékin, en février ; visas accordés par la Chine à des touristes soviétiques (4 000 en 1982) ; tournée en Chine, en août, de footballeurs soviétiques ; réouverture à la frontière du Xinjiang de deux centres commerciaux fermés depuis 20 ans ; chasses-croisés de délégations commerciales, de ministres ; espoir de passer de 300 à 800 millions de dollars d'échanges commerciaux ; poursuite des négociations en mars à Moscou, en octobre de nouveau à Pékin. Sans grand résultat pour l'instant : de nouveaux affrontements militaires ont ensanglanté la frontière sino-vietnamienne en avril et une affaire d'expulsion de ressortissants chinois de la République mongole (prosoviétique) efface pour un temps, en juin, les sourires diplomatiques. Le secrétaire général du parti, Hu Yaobang, confie en septembre à un journaliste japonais : « La normalisation entre la Chine et l'URSS prendra 20 ou 30 ans. »

Culture et agriculture françaises

En attendant sont menées tambour battant deux offensives de charme en Afrique et en Europe de l'Est. Le Premier ministre lui-même visite en janvier dix États africains en commençant par le Zaïre ; Angola et Côte-d'Ivoire nouent des relations diplomatiques avec la Chine. Le ministre du Commerce extérieur, Mme Chen Muhua, a visité en mars l'Europe occidentale : Grande-Bretagne, France, Autriche, Belgique, Malte. En avril, reprise des contacts rompus en 1978 avec l'Albanie. En mai, Hu Yaobang va en Roumanie et en Yougoslavie, où il promet un crédit de 100 millions de dollars, et le vice-ministre des Affaires étrangères visite Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, Bulgarie et Allemagne de l'Est, où est signé en juin un accord sur les communications, le premier depuis dix ans. À Bucarest, il préside une conférence des ambassadeurs chinois en Europe de l'Est, observée de loin par le Kremlin.

Pour la France, 1983 est marquée par la visite en Chine, du 3 au 7 mai, du président Mitterrand déjà venu deux ans plus tôt ajouter une touche internationale à son image de candidat à l'Élysée. Cette fois, il rapproche utilement les positions des deux pays sur le Viêt-nam et le Cambodge en rectifiant quelques maladresses verbales récentes de son ministre des Relations extérieures. Voyage surtout culturel (Pékin affiche notamment Topaze et une exposition Picasso qui surprend) terminé par un discours présidentiel aux étudiants de Nankin après une remise de la Légion d'honneur au célèbre écrivain Ba Jin, symbole des intellectuels victimes de la Révolution culturelle réhabilités par le régime actuel. Le reste se solde par un échec (un espoir avorté de gros contrat de télécommunication) et le rappel d'un projet jamais réalisé depuis une dizaine d'années de commande d'une centrale nucléaire : seul est signé un mémorandum, sans engagement, pour l'achat éventuel de quatre réacteurs de 900 MW. Guère plus concrets sans doute, les résultats immédiats de la participation massive de la France à l'exposition agroalimentaire de Pékin en juillet : Michel Rocard est pourtant le seul ministre de l'Agriculture des 8 pays exposants qui ait fait le voyage. Perspective pour l'an prochain : la visite à Paris du président Li Xiannian, invité (avant d'être élu) par son homologue François Mitterrand à la célébration du 20e anniversaire de la reconnaissance par la France de la Chine populaire. Détail concret quand même, la réouverture à Pékin, le 16 avril, d'un bureau de l'Humanité, en présence de son directeur Roland Leroy et, cinq mois plus tard, l'inauguration d'un restaurant Maxim's.

Liberté diplomatique pour Li Shuang et quelques autres

Le jour même de l'arrivée à Pékin du ministre français de l'Agriculture, Michel Rocard, et deux mois après la visite du président de la République, François Mitterrand, Li Shuang est libérée le 8 juillet, cinq mois avant la fin des deux ans de rééducation par le travail auxquels elle avait été condamnée pour avoir « violé les lois chinoises ». Elle doit cette remise de peine au désir des dirigeants chinois de montrer qu'ils tiennent compte de l'insistance des visiteurs français successifs pour obtenir sa libération après que sa condamnation, le 5 novembre 1981, pendant le séjour en Chine du ministre du Commerce extérieur Michel Jobert, a failli tourner à l'incident diplomatique. Artiste peintre, membre du groupe Les étoiles, contestataire pendant le Printemps de Pékin, Li Shuang avait été arrêtée alors qu'elle habitait dans l'enceinte réservée aux diplomates étrangers, chez son fiancé, documentaliste à l'ambassade de France, Emmanuel Bellefroid. Dès cette libération, ils annoncent leur projet : se marier le plus tôt possible. Dans le même temps, la bonne volonté chinoise se traduit par l'autorisation de plusieurs mariages mixtes franco-chinois et par la libération de deux ressortissants à double nationalité : Bernard Wu après 10 années de détention et Robert Ratillon arrêté en 1955 pour avoir refusé de signer un texte hostile à l'évêque de Shanghai. De père français et de mère chinoise, il peut quitter la Chine après 27 années de camp de travail, le 8 avril, à la veille de l'arrivée du président Mitterrand.

Stérilisation

Souvent les valses-hésitations au moment de signer les contrats internationaux relèvent moins de la diplomatie que de l'économie. En juin, le rapport d'un vice-Premier ministre devant l'Assemblée laisse prévoir un nouveau « réajustement économique », une nouvelle réduction raisonnable des investissements et de l'endettement. Malgré une croissance officiellement deux fois plus forte que prévue et des objectifs du plan dépassés, le revenu annuel moyen d'un citadin n'excède pas 1 800 F et celui d'un campagnard (ils sont 800 millions) 1 000 F à peine. D'où les encouragements multipliés au secteur privé, à l'économie individuelle, dont les effectifs atteignent 1 500 000 en 1982, soit 30 fois plus qu'en 1979.