Ce remaniement au sommet n'est qu'un aspect des réformes patiemment menées dans tous les secteurs : assemblée, gouvernement, parti, justice, société, etc. 1983 apparaît comme une étape importante de cette mutation générale qui doit durer jusqu'en 1990, selon un Plan de huit ans prévu par le XIe Congrès du parti (septembre 1982). Une Campagne de rectification, prévue pour trois ans, est dirigée par un corps d'instructeurs tout spécialement créé pour la mener à bien.

C'est en juillet que paraît en librairie un livre immédiatement vendu à 2 millions d'exemplaires, en attendant un tirage total de 12 millions : les Œuvres choisies de Deng Xiaoping, qui rejoint ainsi les rares supervedettes (les deux présidents Mao et Liu ainsi que le Premier ministre Zhou Enlai) admises à publier leurs Mémoires. Consécration confirmée par des circulaires de l'armée et du Comité central donnant pour mot d'ordre l'étude de cet ouvrage par 4 millions de soldats et 40 millions de membres du parti. Un ex-maoïste réputé gauchiste, le général Li Desheng, met une pointe de malice à saluer l'auteur comme un « nouveau timonier », titre réservé jusqu'alors à son ennemi Mao. Seul dirigeant suprême à n'avoir jamais fait afficher son portrait à des dizaines de millions d'exemplaires, Deng Xiaoping céderait-il enfin au culte de la personnalité qu'il a tant combattu s'agissant des autres ? Pas question ! rassure le Quotidien du peuple. Cependant, l'homme de la rue remarque qu'au petit livre rouge de Mao Deng fait succéder un petit livre jaune, cette couleur choisie pour sa couverture étant jadis réservée à l'empereur. Belle revanche pour un homme tombé deux fois en disgrâce.

Ouverture et répression

Bilan provisoire de la mutation du parti depuis la mort de Mao en 1976 : pour les victimes de la Révolution culturelle, 100 000 sanctions annulées, 470 000 exclus réintégrés, 3 millions de cadres réhabilités. Un demi-million de vieux cadres mis à la retraite et 4 millions de nouveaux adhérents (effectif total des militants : 40 millions), dont 460 000 techniciens et spécialistes, le nouveau régime ayant besoin de compétences plutôt que de discours. Ce véritable lavage du parti est une tâche de longue haleine, puisque chaque adhérent doit refaire une demande d'adhésion.

La nouvelle Assemblée populaire nationale ne compte que 700 sortants sur près de 3 000 députés, moins de militaires, deux descendants de Confucius, lui aussi réhabilité, un frère du dernier empereur, un évêque protestant, le Panchen Lama, numéro deux du Tibet, et même une dizaine d'étrangers amis de la Chine.

Autre signe d'ouverture aux tenants d'un passé récent : deux ans après leur période probatoire, les deux célèbres condamnés à mort, Jiang Qing, veuve du président Mao, et son complice Zhang Chunqiao, ancien vice-Premier ministre, voient leur peine commuée en détention à perpétuité, bien qu'ils n'aient toujours pas fait amende honorable. Pas de clémence, au contraire, pour d'anciens leaders des gardes rouges, condamnés en mars à 15 et 17 ans de prison. Parmi eux, la fameuse Nie Yuanzi — aujourd'hui sexagénaire —, ex-activiste numéro un de l'université de Pékin, saluée par Mao lui-même. Pas de clémence non plus pour les cibles de la campagne contre la corruption, ex-responsables du parti, condamnés à mort, notamment à Canton, pour vols de fonds et trafics de marchandises ou de visas. Un rapport dénonce, entre janvier et septembre 1982, 250 cas de détournements de plus de 100 000 yuans (100 ans d'un salaire moyen !) et relève 25 000 condamnations pour crimes ou délits économiques.

Encore moins de clémence pour les jeunes délinquants, qui pullulent : 80 000 isolés ou membres de gangs ont été arrêtés pour vols, vols de voitures, viols, meurtres. Il s'ensuit, en août et septembre, une vague d'exécutions publiques, pour l'exemple, dans plusieurs grandes villes. Rien qu'à Pékin, on en compte une cinquantaine, dont une trentaine le même jour : parmi les condamnés à mort qui ont tous moins de 35 ans, une femme de 25 ans. Enfin, une répression toute particulière continue à viser les catholiques fidèles au Vatican : deux jésuites sont condamnés en mars 1983 à 11 et 15 ans de prison. On leur reproche aussi la collecte et la propagation d'informations. Pékin crée d'ailleurs à cet effet un ministère de la Sécurité d'État, désigné par ses initiales GAB, comme on dit KGB.

Détente avec les superpuissances

Parmi les 45 ministres, un autre est uniquement chargé de l'Industrie nucléaire, ce qui réchauffe l'espoir des pays vendeurs de réacteurs, dont la France. Après des années de réflexion, quatre projets de centrales sont évoqués, près de Canton, Shanghai, Jiangsu et dans le Nord-Est. Pékin se décide à demander, en août, à occuper au sein de l'Agence internationale de l'énergie atomique le siège laissé vacant depuis douze ans par Taiwan. Ce qui sous-entend que la Chine acceptera des inspections internationales, d'ailleurs obligatoires depuis qu'en mai les États-Unis acceptent enfin de transférer sous contrôle les technologies à usage civil ou militaire.