Cela dit, les données du problème italien ne changent pas, et une collaboration entre DC et PCI apparaît totalement impossible. Dans ces conditions, former un gouvernement relève du tour de force : Giulio Andreotti, président du conseil sortant, le républicain La Malfa, Filippo Pandolfi, économiste de la DC, et Bettino Craxi, numéro 1 socialiste, échoueront tous les quatre dans cette tentative.

Pour les socialistes surtout, ce coup d'essai sera sans lendemain ; pour la première fois, le président de la République avait voulu rompre avec la tradition qui, depuis la guerre, a donné régulièrement à la DC la mission de former les gouvernements. Mais la DC ne l'entend pas ainsi, et c'est finalement Francesco Cossiga qui réussit l'impossible, neuf semaines après les élections générales.

Cossiga

Ce Sarde de 51 ans (cousin lointain d'Enrico Berlinguer) revient ainsi sur le devant de la scène politique. Une surprise, car celui qui avait rempli la difficile mission de ministre de l'Intérieur pendant toute l'affaire Moro (Journal de l'année 1977-78) avait démissionné quelques heures après la découverte, le 9 mai 1978, du corps du président de la démocratie chrétienne. Pour réussir là où les autres échouent, il prend soin avant tout d'obtenir l'abstention socialiste.

D'autre part, son équipe n'est pas composée seulement de démocrates-chrétiens, mais aussi de sociaux-démocrates, libéraux, surtout des techniciens : il souhaite ainsi que les compétences passent avant l'engagement politique de ces hommes. Contrairement aux prédictions, ce gouvernement résistera plus longtemps que prévu aux difficultés, en grande partie parce que aucune solution de rechange n'apparaît possible.

Assez vite pourtant le climat politique se dégrade : le Congrès de la démocratie chrétienne, qui s'achève à Rome le 20 février, marque la victoire de la tendance modérée (adversaire de tout dialogue avec les communistes) sur la tendance qui est favorable à alliance avec le PCI.

Finalement c'est le parti socialiste qui, en retirant son abstention, provoque la chute du gouvernement, avant de retourner au pouvoir début avril, six ans après l'avoir quitté. Le 39e gouvernement, formé le 4 avril 1980, reste en grande partie démocrate-chrétien : les socialistes sont chargés de la Défense, de la Santé et du Commerce extérieur ; les républicains, du Budget et des Travaux publics.

La gauche du parti socialiste reproche au secrétaire général Bettino Craxi d'avoir fait passer ses ambitions personnelles avant les intérêts du parti.

Parti communiste

Condamné à rester dans l'opposition, le parti communiste profite de cette situation pour renforcer son image d'indépendance. En décembre 1979, il se démarque nettement des autres communistes européens, principalement français, lors de la discussion à propos de l'installation en Europe par l'OTAN de missiles et de fusées Pershing 2. Pour le PCI, il faut retarder de six mois cette décision et négocier un désarmement en demandant à l'URSS de suspendre la production de ses propres SS 20.

Le 5 janvier, à la veille de sa visite à Moscou, Georges Marchais rencontre à Rome Enrico Berlinguer. Une explication, mais pas d'accord : les communistes italiens, en opposition totale avec le PCF, condamnent l'invasion soviétique de l'Afghanistan. À la fin du même mois, c'est au contraire dans une atmosphère très sereine que Santiago Carillo, secrétaire général du parti communiste espagnol, se rend à Rome. Les deux partis condamnent l'occupation de Kaboul par l'armée rouge et dénoncent également le recours à des mesures autoritaires et répressives, faisant ainsi allusion à l'affaire Sakharov. À propos de l'eurocommunisme, ils réaffirment croire à son avenir, tout en reconnaissant qu'un sommet avec les communistes français n'est pas envisageable pour l'heure.

D'autres événements vont accentuer l'originalité de la stratégie du PCI : début avril 1980, Enrico Berlinguer refuse de participer à la conférence des partis communistes, organisée à Paris par le PCF. À la fin du même mois, il effectue un long voyage en Chine. Communistes chinois et italiens, tout en constatant certaines divergences (à propos notamment de l'intervention chinoise au Viêt-nam), estiment que le rétablissement de leurs relations est cependant bénéfique.

Inflation

Mai 1980 : le bilan de l'inflation est lourd, 21,7 % pour les douze derniers mois. C'est à nouveau la fièvre comme au tout début de l'année, marqué par les 3,3 % de janvier.